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traduction - Page 4

  • Les chevaux d’Hitler

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    Les chevaux d’Hitler

    L'incroyable traque du dernier trésor

    du Troisième Reich

     

    Arthur Brand, traduction, pays-bas, hitler, seconde guerre mondiale, daniel cumin, Armand Colin, histoire, art, enquête

    traduction Daniel Cunin, Armand Colin, 2021 

     

     

    Surnommé l’Indiana Jones du monde de l’art, Arthur Brand est un détective qui part à la recherche d’œuvres volées ou disparues. Ces dernières années, il a ainsi mis la main sur un buste de Zadkine figurant Van Gogh, deux créations de Jan Schoonhoven, un Dalí, une toile de Tamara de Lempicka (La Musicienne, photo ci-dessous), une mosaïque byzantine du Ve siècle, un portrait de Dora Maar signé Picasso, une bague en or d’Oscar Wilde, mais aussi des sculptures emblématiques du régime nazi. Cette dernière enquête fait l’objet de son livre à présent disponible en langue française. Livre dont les droits viennent d’être acquis par la Metro-Goldwyn-Mayer. Les aventures de ce limier pas comme les autres ont déjà donné lieu à plusieurs documentaires diffusés ces dernières années en Hollande.

     

    Arthur Brand, traduction, pays-bas, hitler, seconde guerre mondiale, daniel cumin, Armand Colin, histoire, art, enquêteBerlin, 1945. Dans les jardins bombardés de la Chancellerie d’Hitler, les deux chevaux de bronze réalisés par Josef Thorak,  l’un des sculpteurs officiels du Reich, ont disparu. On les pense détruits. Aucune trace nulle part.
    Amsterdam, 2013. Mandaté pour retrouver ces sculptures qui,  selon un courtier d’art, existeraient encore, Arthur Brand commence  une longue enquête à travers l’Italie, l’Allemagne et la Belgique. Au cours de ses recherches, il rencontre dirigeants d’organisations louches, anciens nazis, anciens membres du KGB et de la Stasi, néo-nazis, etc. Tous semblent impliqués dans le trafic d’art nazi.
    Ce livre raconte quel stratagème il a imaginé pour faire interpeller  des collectionneurs et marchands plus ou moins véreux et pour retrouver, quasiment intactes, plusieurs sculptures majeures  du Reich censées détruites à jamais…

     

    Une autre découverte d’Arthur Brand

     

     

    Prologue

    Bunker du Führer, Berlin,
    22 avril 1945

     

    Cela fait un mois qu’Adolf Hitler n’a plus vu la lumière du jour. Retranché dans son Führerbunker, il ordonne à ses troupes de tenir bon jusqu’au dernier homme. L’Armée rouge a lancé son offensive contre Berlin en engageant dans la bataille 2,5 millions de soldats, 6 250 véhicules blindés et 7 500 avions. La capitale du Troisième Reich est encerclée.

    Dans une tentative désespérée de fuir Berlin, quelques-uns des plus proches collaborateurs du Führer quittent la vie souterraine du bunker. Cependant, en ce même jour, ses plus fidèles disciples, le ministre de la Propagande Joseph Goebbels et son épouse Magda, le rejoignent.

    Dans le bunker coupé pour ainsi dire du monde extérieur règne une atmosphère apocalyptique. Une ou deux lignes de téléphone fonctionnent encore. Avec force boissons, on noie les pensées qui ramènent à ce qui ne va pas manquer de survenir. Seul Hitler croit encore à la victoire finale. Tandis qu’il déplace sur une carte des divisions qui n’existent que dans sa tête, l’un de ses généraux entre.

    « Mein Führer, notre contre-attaque au nord de Berlin n’a pu prendre forme. Eberswalde a été prise par les Russes. »

    Eberswalde, petite localité située à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Berlin, ne devait en réalité être conquise par les Soviétiques que quatre jours plus tard, le 26 avril. Il n’en reste pas moins que, pour Hitler, ce message, qui illustre de patents problèmes de communication, constitue le coup de grâce. Sujet à l’une de ses légendaires crises de colère, il maudit ses généraux : « Ils m’ont trahi ! C’est fini ! La guerre est perdue ! Il ne me reste qu’une seule chose, le suicide. »

    Soixante-dix ans plus tard, Eberswalde fait la une de l’actualité dans le monde entier en raison de l’un des secrets les plus longtemps gardés de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide…

     

    Entretien en anglais à propos des chevaux d’Hitler et d’autres découvertes

    Le même doublé en français

     

     

    Un extrait

     

    « Arthur ? Ici, Steven. Désolé de ne pas vous avoir rappelé plus tôt. Je ne vous dérange pas ?

    – Non, pas du tout, je réponds en me levant, les cheveux pleins de shampooing, pour gagner l’arrière-salle du salon de coiffure turc.

    – Vous vous souvenez ?, j’ai peut-être quelque chose qui va intéresser votre meilleur client.

    – Euh, oui, il me semble m’en souvenir.

    – Eh bien, voilà. J’étais en négociation avec un cheikh, mais il ne m’inspire pas confiance. Il s’agit à vrai dire de quelque chose qui doit rester couvert par le sceau du plus grand secret. L’acheteur potentiel doit promettre de ne jamais rien rendre public. Alors même qu’on sait que les collectionneurs aiment montrer leurs collections. Vous saisissez le problème ?

    – Oui, très bien. Mon client collectionne des pièces uniques qui revêtent une grande valeur historique, le plus souvent tout juste exhumées par des chasseurs de trésors. Le tout dans la plus totale illégalité. Si on venait à les découvrir en sa possession, on les lui confisquerait. Il se trouve que c’est un homme connu et d’une réputation irréprochable. Il ne peut se permettre le risque d’un scandale.

    – Votre client, fait Steven après deux secondes de réflexion, me semble être l’homme idéal pour ce qui nous intéresse. On le dirait fait pour ça. Je vous adresse un courriel ce soir. Tout ça, nous sommes d’accord, est extra-confidentiel. »

     

    Dora Maar chez Arthur Brand

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  • Plus jamais d’après la Nature

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    Un essai de Paul Demets

      

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    Paul Demets (photo : HLN)

     

    « Plus jamais d’après la Nature » est un texte écrit par le poète belge Paul Demets à la demande de Passa Porta, maison internationale des littératures à Bruxelles, dans le cadre d’Ecopolis 2020

    (18 octobre, Kaaitheater).

     

    Le poème « Le temps qu’il fait » figure en langue originale dans

    l’anthologie Zwemlessen voor later publiée fin octobre 2020

    aux éditions Vrijdag à l’initiative du collectif www.klimaatdichters.org.

     

     

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    Plus jamais d’après la Nature 

     

    « Ça suffit ! s’exclame-t-on en cette ère covidienne. On est enfermés depuis trop longtemps. Allons faire une balade dans la nature. » Mais existe-t-elle bien, la Nature ? Si je la gratifie d’une majuscule, c’est parce que, j’en ai bien peur, nous l’absolutisons, parce que nous voyons en elle un sanctuaire, un refuge, un abri, un salon de massage tant pour le corps que pour l’esprit.

    Des romantiques tels que le philosophe franco-suisse Jean-Jacques Rousseau et le poète britannique William Wordsworth ont tenté de jeter un pont entre elle et l’homme. Mais était-ce vraiment nécessaire ? Nous arrive-t-il de ne pas être reliés à la nature ? Pour l’être, nous faut-il impérativement courir les bois et les champs, gravir des collines ? Sommes-nous tous des promeneurs qui, à l’instar du Voyageur contemplant une mer de nuages (vers 1817-1818) – le tableau emblématique de Caspar David Friedrich –, s’aventurent dans la nature ?

    paul demets,poésie,belgique,flandre,traduction,daniel cunin,écologie,passa porta,ecopolisSommes-nous ce solitaire perché sur un sommet, face à une mer de brume et des chaînes de rochers, dominant un paysage qui revêt un caractère sublime de par son immensité écrasante ? Contemplons-nous quelque chose qui existe en dehors de nous-mêmes ? Est-ce vraiment le cas ? Ne vivons-nous pas plutôt en permanence au milieu de l’environnement qui est le nôtre ? La nature ne saurait être l’Autre, une personne à qui nous rendons visite quand nous en éprouvons l’envie. On dirait bien un canevas sur lequel nous projetons nos humeurs. Une personne censée nous sauver de notre solitude, censée nous guérir. Donnez-moi la nature bien plutôt que la Nature ! À mes yeux, le plantain lancéolé sur le bord des routes fait lui aussi partie de la nature. Ne nous aide-t-il pas, au reste, à combattre certaines affections cutanées ?

    Pourquoi, d’ailleurs, toujours en revenir à la dichotomie entre ville et campagne, entre culture et nature ? Faut-il se tenir en haut d’un rocher pour voir cette dernière ? N’est-elle présente que dans les régions rurales ? Désigné « poète rural de la Flandre orientale » pour la période 2016- 2019, je suis parti à la recherche de la nature dans les campagnes en question. J’ai vu beaucoup de prés où paissaient naguère des vaches. Ce sont à présent des parcelles bien délimitées où les chevaux attendent leurs cavaliers du dimanche. J’ai visité des fermes industrielles. Elles ressemblent à des usines. J’ai vu tourner les pales géantes des éoliennes. J’ai emprunté les sentiers de randonnée d’espaces protégés, bien signalisés. Les panneaux offrent des informations sur l’histoire de ces paysages en grande partie disparus. J’ai appris qu’on y a réintroduit certains arbres et arbustes menacés. Là, je n’ai pas trouvé la Nature. Ne l’ai plus retrouvée. Mais nombre d’éléments de la nature, si. Heureusement d’ailleurs.

    paul demets,poésie,belgique,flandre,traduction,daniel cunin,écologie,passa porta,ecopolisJe crois en la Dark Ecology telle que la conçoit le philosophe britannique Timothy Morton dans son livre éponyme : si nous tenons à conserver une planète habitable, il convient de revisiter la notion de « nature ». De renoncer à la distinction entre « le naturel » et « le non naturel ». Sans doute serions-nous mieux lotis si nous évaluions l’interaction entre l’organique, le biologique et le technologique, chacun ayant une valeur en propre. En l’espèce, je renvoie à l’ontologie orientée vers l’objet de Graham Harman. Selon cet auteur, tous les objets, humains comme non humains, se valent.

    À juste titre, Timothy Morton avance qu’il nous faut dépasser le « corrélationnisme », cette conception selon laquelle tout tire son droit à exister d’un rapport à l’intelligence humaine ou au langage. Ceci alors même que tant de choses nous échappent. Et n’est-ce pas beau d’ailleurs ? Il s’agit de la beauté du déclin, de la déchéance, de la laideur. Toujours selon Morton, nous sommes reliés à tout ce qui nous entoure. Cesser de regarder la nature en la tenant systématiquement à distance nous permettra de prendre conscience que nous avons perdu tout véritable contact avec elle. Nous nous sommes élevés au-dessus d’elle.

    En conséquence, il convient de renoncer à opérer une distinction entre les formes de vie humaines et celles non humaines. Il me semble qu’il s’agit là de la meilleure façon de se défaire de l’anthropocentrisme. Parler de la différence entre la nature et ce qui ne relève plus d’elle ne fait désormais plus sens, pour la simple raison que la nature cesse peu à peu d’exister. Ne la détruisons-nous pas par notre mode de vie, en toute conscience des conséquences désastreuses qu’il implique ? Les rapports climatologiques en disent long sur la situation. Or, tout le monde sait ce qu’il faut faire. Mais on traîne, on nie les choses, on détourne le regard. D’ici quelques décennies, il ne restera plus rien de la Nature. Apparemment, c’est ce que nous voulons.

    De hazenklager, récent recueil de P. Demets

    paul demets,poésie,belgique,flandre,traduction,daniel cunin,écologie,passa porta,ecopolisMalgré tout, il existera encore de la nature. Nous vivons toujours plus sur un terrain postindustriel pollué, nous dorant la pilule au milieu d’un bric-à-brac qui traîne partout, ceci parmi une magnifique végétation exubérante et envahissante de joncs des bois, de souchets tubéreux, de grands hochets jaunes, de berces du Caucase, de crételles des prés, de robiniers, de peupliers de Hollande… C’est ce que je voudrais appeler la re-nature : un nouveau type de nature qui naît sur nos détritus et au milieu d’eux. Des cellules qui prolifèrent dans un incubateur. Plus sensuel, tu meurs. Un écosystème est en train de germer, de se disséminer et de se réinventer, un scénario catastrophe annonçant la fin de la Terre. Un environnement voit le jour, au sein duquel nous vivons et dont nous ne sommes plus le centre, quand bien même nous persisterions à penser le contraire. Ceci pendant que les mousses envahissent joliment les murs, que les herbes poussent dans les fissures de l’asphalte, que les branches soulèvent les tuiles et que le lierre colonise le béton… Qu’y a-t-il de mal à ce qu’un arbre pourrisse à l’endroit même où il s’est affaissé ? Il constitue un riche apport nutritif. Ou comment croître sur l’humus du déclin, de la déchéance…

    J’aime la végétation qui pousse sans retenue là où elle n’a pas sa place. Voilà pourquoi l’œuvre de Lois Weinberger, décédé le 21 avril dernier, me tient tant à cœur. Prenez sa création Brennen und gehen (1992). À Salzbourg, dans la rue, il a ôté des dalles pour faire pousser des plantes qui font référence à la brûlure et à la marche : l’ortie et le chénopode (littéralement patte-d’oie). Restait aux piétons à s’écarter du trottoir. Force leur était de porter un regard neuf sur cette végétation qui se substituait à la pierre, au béton. Cet artiste autrichien montrait une prédilection pour les « plantes rudérales », celles qui poussent dans un milieu modifié par l’activité ou la présence de l’homme : terre-plein central, ballast (photo ci-dessous), friches… celles qui, dans leur entêtement, symbolisent la liberté de l’imaginaire. Elles sont un « non » à l’ordre que nous voulons instaurer partout, y compris dans la nature. Ainsi que le formule Weinberger : « Étant indomptée, la végétation sauvage qui fleurit sur des terres incultes post-industrielles et à la périphérie des villes, est plus ‘‘naturelle’’ que les zones étroitement contrôlées de la ‘‘naturalité’’ de la société actuelle. Les plantes rudérales sont la sous-classe omniprésente du monde végétal, la ‘‘masse’’ prête à percer à la surface de la ville en toute occasion et à briser le contreplaqué de la stabilité et de l’ordre humains. »

    L’Autrichien plaide en faveur d’un trop peu d’attention à la nature. En effet, laissons la nature faire à sa guise. Il ne faut pas, me semble-t-il, forcer dans une direction donnée ce qu’elle a en propre.

    paul demets,poésie,belgique,flandre,traduction,daniel cunin,écologie,passa porta,ecopolisUne telle démarche suppose de se débarrasser du séculaire sentiment de supériorité que nous cultivons à son égard, plus encore depuis le siècle passé. Il est devenu impossible d’écrire ou de peindre « d’après la Nature », de créer des œuvres qui la restituent fidèlement, puisque la Nature existe dans de moins en moins d’endroits. On l’a soit complètement bridée, soit polluée. Mais il ne s’agit pas moins de nature. Dès lors, que pouvons-nous encore faire ? Hausser les épaules avec résignation si jamais nous renonçons malgré tout à révolutionner radicalement nos vies, si nous continuons à soutenir l’industrie polluante et l’énergie nucléaire, à gagner mille destinations en avion, à épuiser les sols, à assécher la terre pour nous procurer gazole et essence ? Chercher à comprendre, à mettre des mots sur les choses de la nature ? Nombre d’entre elles échappent en réalité à notre capacité intellectuelle et à nos tentatives de les cerner par le moyen du langage.

    Que nous reste-t-il alors ? Raconter. Reraconter. Re-narration de la re-nature. Tout en étant des témoins oculaires engagés qui s’identifient aux multiples objets qui nous entourent – plantes, animaux, personnes, murs en béton, acier rouillé, fûts de pétrole vides… Dans son livre Les Trois écologies (1989), le psychanalyste et philosophe français Félix Guattari nous dit que l’« écosophie » est nécessaire : un art de penser, une manière d’agir et d’agencer qui offrent une façon alternative d’expérimenter notre environnement, laquelle nous donne d’établir un nouveau rapport avec lui. C’est ce que je voudrais moi aussi défendre à travers ces lignes.

    paul demets,poésie,belgique,flandre,traduction,daniel cunin,écologie,passa porta,ecopolisRien ni personne ne vaut plus que telle autre chose ou telle autre personne. Chaque cellule vivante, qu’il s’agisse de celle d’un être humain, d’un animal ou d’une plante, mieux vaut la considérer comme un agent de même valeur que les autres, un agent qui crée son propre monde vivant. Tout recèle une intelligence spécifique. Laisser la nature opérer à sa guise, c’est se donner d’observer et de décrire ce qu’elle gagne en rudesse, mais aussi la beauté de cette rudesse, la façon dont les agents se réinventent organiquement, germent, prolifèrent tout en en parasitant d’autres. Se donner d’observer et de décrire combien tout est inventif à travers les pulsions de reproduction et de destruction. De la sorte, notre environnement devient un espace de dialogue avec tout ce qui vit dans la nature. Un véritable espace de discussion où toute hiérarchie est abolie.

    Où glorifier le grouillement des scarabées.

     

     

     

    Le temps qu’il fait

     

    Un beau jour des scarabées dans leur chambre nuptiale vert brunâtre

    une opinion emmoussée une remarque étouffée. L’orchidée

    se dissout dans le sol, la puccinellie s’étiole vert chaux. La fougère

     

    préserve à peine ses nervures. Les moucherons se saoulent

    de la blettissure. On gratte des cratères. S’accouple un cri

    de délivrance. Devient scarabées. Pour les pins, ça ne change plus

     

    rien gris vert. Seuls les papillons noirs survivent.

    Dans l’obscurité, on attend que les saisons se déshabituent.

    On agrippe, trame de tout et rien sous la carapace,

     

    refusant d’être plus longtemps couchés dos à dos.

    Oh ! je pourrais te croquer ! Entre-temps, le temps qu’il fait

    une fois de plus nous perturbe. On en sue. Frottement d’ailes :

     

    une sorte de chant. Chitine.

    Les choses empoissent le réel.

     

                                          Paul Demets

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

    merci à Piet Joostens

     


    Le même poème lu en néerlandais par Paul Demets

     

     

  • Gueules noires, chaux et Calatrava

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    UN POÈME DE JOES BRAUERS 

     

     

    Né en 1999, Joes Brauers est un acteur réputé aux Pays-Bas. Ayant terminé ses études au Conservatoire de théâtre de Maastricht, il se lance dans la poésie. Dans le cadre de Borderlines - Euregion Stories 2020, il déclame « Langs koempels, kalk en Calatrava », poème proposé en lecture en traduction française.

     


     

     

    Joes Brauers

     

    En longeant gueules noires, chaux et Calatrava

     

     

    En train le temps passe au-delà de l’homme et des campagnes,

    laissant une traînée de changement qui perdure à l’infini.

    Voyez les bois solitaires, voyez les terres sans rien,

    et combien, comme nous, ils paraissent invariablement péricliter.

     

    Les maisons au bord de la voie ferrée sont loin d’être durables.

    Ici, le téléphone fixe court encore au-dessus du sol.

    Sur le seuil une femme assise, tapette en plastique à la main.

    Des cerfs empruntent le terril que l’on doit aux mineurs.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    A saigné les sols et les villages.

    Sur le quai, c’est une petite gare.

    Un dernier baiser de la main et au revoir.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    Charbon et chaux, des villages aux villes.

    Sur la ligne du chemin de fer de naguère

    où l’on n’a jamais vu un train revenir.

     

    Cours d’eau, frontières passés, le paysage change de l’autre côté de la vitre.

    Les ponts en pierre se font constructions d’acier bordées d’arbres.

    Voyez les hautes arches blanches, voyez la verrière du toit,

    et combien, comme nous, celle-ci tente invariablement de toucher le ciel.

     

    La hâte s’accentue, les gens filent, du papier alu brillant à la main.

    Avides vident des gobelets jetables et roulent à grand bruit leurs valises.

    Au guichet se tient une femme aux écouteurs blancs sans fil.

    Un vagabond extirpe une tique du cou de son chien.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    Le long de maisons aux jardins en béton.

    Au-delà du marbre des tombes

    sur lesquelles s’étend le crépuscule.

     

    Le train apporte, le train emporte.

    Au-delà des volets mécaniques qui se ferment.

    Sur la ligne du chemin de fer de naguère

    où l’on n’a jamais vu un train revenir.

     

    Bonsoir, goedenacht und keine Angst chuchote la voie ferrée.

    Des villes, les étudiants rentrent en douce passer une journée chez eux.

    Voyez le plat pays se vallonner là où les accotements se font de plus en plus verts,

    et combien, comme nous, il pense invariablement toujours plus en dialecte.

     

    Ici, le ruisseau coule par la vallée, par les bois, vers la Meuse.

    s’étire la charmille où, enfant, je me sentais tellement heureux et joyeux.

    Mon pays prend la couleur des feuilles de chaque saison, non celle de la mode.

    Et dans chaque couleur retentissent encore les vibrations de l’autorail.

     

    Le train emporte, le train apporte.

    Au-delà des églises, de plus en plus vite,

    de la vapeur au charbon, au diesel, à l’électricité,

    une année de plus passe à toute vitesse.

     

    Le train apporte, le train emporte.

    Par tous les temps, par tous les tourments.

    Dieu a créé le plat pays, l’homme et le train.

    Il n’a vu revenir aucun d’entre eux. 

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

     

    Joes Brauers, poésie, Hollande, cinéma, Calatrava, Maastricht, traduction

     

     

     

  • En niemand weet wat er staat…

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    Andrea Kluitmann interviewt Daniel Cunin

    eind oktober 2020

     

     

    Depuis quelques mois, Andrea Kluitmann tient un blog consacré aux personnes venues des quatre coins du monde qui, en temps normal, séjournent à la Maison des Traducteurs d’Amsterdam (photo). Voici l’entretien qu’elle a eu la gentillesse de me demander de lui accorder.

     

    Vertalershuis1.jpg

     

     

    Mijn fysiotherapeute vraagt naar mijn beroep. ‘Vertaler? Welke talen? Alleen maar Nederlands-Duits?’ Ik leg het moedertaalprincipe uit. Ze staart me aan en de ijzeren greep rond mijn enkel verslapt.

    ‘Moet jij eigenlijk nog weleens woorden opzoeken?’

    ‘Nee. Ja. Maar het gaat niet zozeer om woorden. Neem nou een simpel zinnetje als: ‘‘Heb ik soms iets van je aan?’’’

    Waarom geef ik zo’n lelijk voorbeeld? Laten we het erop houden dat de behandeling niet geheel pijnvrij is.

    Mijn fysiotherapeute is snel van geest en komt uit het zuiden des lands. Ze doet een vertaalpoging (Habe ich manchmal was…) en zegt meteen: ‘Nee, dat wordt hem dus niet!’

    ‘Precies! En dat is trouwens ook een mooi voorbeeld.’

    Andrea Kluitmann

    AK1.pngHoezeer talen van elkaar verschillen, daar ging het eerder die dag ook over in mijn Skype-gesprek met Daniel Cunin. Hij vertaalt al ruim vijftien jaar Nederlandse romans en poëzie in het Frans. In oktober zou hij in het Vertalershuis werken aan gedichten van Lucebert en Gerrit Achterberg, maar door de nieuwe coronamaatregelen verblijft hij er nu ‘virtueel’.

     

    ‘Ik mis Nederland enorm. De goede vrienden die ik daar heb, de taal, de antiquariaten, et cetera. Ik hou van het land, en van het Nederlands. Het Nederlands is zo soepel en compact. Al die kleine woordjes die je in een zin kunt toevoegen of ergens aanplakt zodat je iets totaal anders krijgt. Ik vind dat fascinerend. En wat je met werkwoorden kunt doen in het Nederlands, werkt niet in het Frans. Op basis van het werkwoord ‘‘vertalen’’ kan een vertaler aan het eind van een zware werkdag zeggen dat hij/zij uitvertaald is; om zoiets in het Frans uit te kunnen drukken heb je enkele woorden nodig of een heel andere formulering. Dat maakt het vertalen ook zo interessant, dat grote plezier van het formuleren, van het ánders formuleren.’

    Hester Knibbe, Parijs, 2019 (photo : Anna V.)

    HesterKnibbe-MdlP-2019.jpgDe poëzie van Lucebert vertaal je samen met Kim Andringa. Werk je graag als duo?

    Met Kim wel. We hebben voor Éditions Unes, die Lucebert gaat uitgeven, eerder poëzie van Hester Knibbe vertaald, Archaïsch de dieren / Archaïques les animaux. Die verscheen in een prachtige uitgave. Heel bijzonder, de uitgever had een gewone oplage gedrukt voor 16 euro per bundel, maar ook twintig exemplaren van 200 euro en twaalf van 700 euro. Bij de bibliofiele uitgaven krijg je een origineel kunstwerk. Op de Parijse Marché de la Poésie, een poëziefestival in de open lucht, waren de meest kostbare uitgaven binnen drie dagen verkocht.

    Kim was ooit mijn allerbeste studente aan de universiteit. Ze is tweetalig opgegroeid in Frankrijk met Nederlandse ouders en we zijn een zeer goede combinatie. We brengen allebei iets anders in. Haar Nederlandse taalervaring is anders dan de mijne. Ik ben pas rond mijn 24ste of 25ste met het Nederlands begonnen.

     

    Bijzonder, de combinatie van (beeldende) kunst bij deze gedichten.

    Daar heb ik nog een voorbeeld van, in zekere zin mijn mooiste vertaling: voor een voorstelling vertaalde ik fragmenten uit Vaslav van Arthur Japin, die op de huid van een danseres werden geschreven, een ‘levende’ vertaling. Hier kun je een indruk krijgen: À même la peau.

    AK2.jpg

    Werk je thuis anders dan in het Vertalershuis?

    Ja, toch wel. Daarbij denk ik aan een van mijn eerste verblijven daar. Een hele maand lang had ik elke dag minstens twee afspraken – met auteurs, met uitgevers, met collega’s, met vrienden – ik heb helemaal niets vertaald!

    Ook nu was ik van plan afspraken te maken met een paar Achterberg-specialisten en collega’s die verstand hebben van het vertalen van poëzie. Gerrit Achterberg heeft ongeveer duizend gedichten geschreven, en daarvan heb ik er honderd geselecteerd om te vertalen. Maar van sommige regels of strofen weet niemand wat er staat, iedereen leest iets anders. Daarom wil ik graag drie of vier verschillende visies op die gedichten horen. Dat moet nu schriftelijk of via Skype, en dat werkt toch heel anders dan wanneer je bij elkaar zit en van gedachten kunt wisselen.

    MLR - Plats Pays2.jpegJe vertaalt naast klassieke poëzie ook veel hedendaagse, levende schrijvers. Tijdens de komende Literaire Vertaaldagen wordt het contact tussen auteur, redacteur en vertaler gethematiseerd. Hoe belangrijk is het overleg in die driehoek voor jou?

    Bij De avond is ongemak van Marieke Lucas Rijneveld speelde het een belangrijke rol. Het is een heel bijzondere debuutroman, die ik met veel plezier heb vertaald, maar er kwam wel de nodige redactie bij kijken. Michele Hutchison was tegelijkertijd bezig met de Engelse vertaling en we konden samen met de auteur en de uitgever inconsequenties en foutjes oplossen. Dat is ook in de daaropvolgende Nederlandse drukken verwerkt. Het is mooi om te zien dat de roman nu, na de bekroning met de International Booker Prize, niet alleen in Engeland maar ook in Nederland en Frankrijk weer volop in de belangstelling staat. En volgende week kan de Nederlandse lezer genieten van haar tweede roman, Mijn lieve gunsteling, die ook heel sterk gecomponeerd en geschreven is.

    GB1.jpgDoor Daniels verhaal moet ik denken aan de Duitse schrijver Ingo Schulze, die ooit zei dat elk boek voordat het in de oorspronkelijke taal verschijnt eigenlijk eerst door een vertaler zou moeten worden vertaald. Hoe verhoudt dit zich tot wat vriend en auteur Gerbrand Bakker tegen me zei toen hij zelf - blijkbaar geheel niet onverdienstelijk - een boek vertaalde? ‘Het is heerlijk om te doen, want het werk is al gedaan.’

    Ik moest er erg om lachen, maar hij meende het wel.

     

    Andrea Kluitmann

     

     

    Vonne-Jacklyn-Daniel-Vertalershuis-2018.jpg

    Vertalershuis, met Jacklyn Jiang en Vonne van der Meer 

    photo : Birgit Kooijman

     

     

     

  • derrière la piscine

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    Un poème de Lieke Marsman

     

     

     

    En 2016, Lieke Marsman disait le poème « Poésie » dans le cadre du programme DichterBij. Puis elle poursuivait par « Que des devenirs ».

    Le premier poème à écouter sur cette vidéo et à lire en français ci-dessous, le second à écouter avant de le lire en cliquant sur le lien.

     

     

     

     

     

    Poésie

     

     

    Sur le moment, ouais, j’ai un peu

    l’impression de me retrouver une fois

    de plus derrière la piscine à chercher

    une cachette, un lieu humide

    où se détacheraient devant mes yeux

    barquettes à frites et verdure.

    Tout au loin quelque chose ronge

    un chemin en moi, ça pourrait être

    un sentiment de sécurité ;

    en réalité, je me sens toujours un peu

    comme si je venais de jouir,

    ne percevant plus que l’odeur de renfermé

    de la couette. Toute la journée,

    j’ai essayé de retrouver le nom

    « Biscuits de Bastogne » ;

    y étant enfin parvenue, je suis

    tout bêtement restée assise

    sur mon lit. Aujourd’hui, la poésie

    me semble un pays pour lequel

    on ne m’a pas accordé de ticket,

    un vieil amour dont je n’ose

    toujours pas effacer le numéro

    de mon téléphone, une île lointaine

    peuplée de pingouins.

     

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

    le poème a paru dans l’anthologie bilingue

    Poésie néerlandaise contemporaine, Le Castor Astral, 2019

     

     

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