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traduction - Page 11

  • Les sept degrés

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    Les sept degrés

    de l’échelle d’amour spirituel

    réédition d’une œuvre de Jean Ruysbroeck

    dans la traduction de Claude-Henri Rocquet

     

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    « S’élever dans l’échelle sociale, monter en grade… À ces désirs très humains, le christianisme oppose un renversement radical, au sens fort du terme. De sa forêt de Groenendael, près de Bruxelles, où il mena une vie de recueillement et de prière monastique vers la fin du Moyen Âge, Jean Ruysbroeck (1293-1381) nous envoie sous forme de mode d'emploi ce petit traité spirituel qui n'a pas pris une ride. S’y déploie en sept chapitres – les sept degrés – le paradoxe même de la vie spirituelle : le chemin de la montée est d’abord descente. » (1) Cette progression spirituelle qui est en même temps « descente », Claude-Henri Rocquet l’expose en ces termes : « Les sept degrés de l’échelle intérieure ne se succèdent pas selon la simple progression arithmétique : ils forment un édifice. D’une part, les quatre premiers : ils traitent des vertus extérieures. De l’autre, les deux derniers : consacrés à la vie contemplative, dans son commencement et dans sa perfection. Entre les vertus du dehors et l’expérience intérieure, le cinquième degré – qui occupe plus de la moitié du livre – forme un traité spirituel qui s’inscrit dans le traité d’ensemble. Et l’on retrouve, en ce degré, les trois degrés de la vie spirituelle selon Ruysbroeck et bien d’autres mystiques : l'union à Dieu par les œuvres, l’union à Dieu avec intermédiaire, l'union à Dieu sans intermédiaire.

    « Cette manière d’intégrer la gradation des trois modes de vie intérieure aux degrés de l’échelle ascétique et mystique est admirable et subtile. On pourrait dire plus exactement que les trois représentations de la vie spirituelle – monter vers le sommet, descendre dans l’abîme insondable de l’humilité, atteindre le centre – s’harmonisent et se réunissent. Ce qui est au plus haut et au plus humble, au cœur de tout, unique, insondable, évident, à jamais inaccessible et toujours présent et donné en abondance, c'est l’amour. L’unique et multiple amour. »

     

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    l’édition de référence : moyen néerlandais / latin / anglais

    Jan van Ruusbroec, Van seven trappen. Opera Omnia 9,

    éd. Rob Faesen, Lannoo/Brepols, 2003

     

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

    De l’échelle que Jacob vit en songe jusqu’à la montée du Carmel évoquée par saint Jean de la Croix, la vie spirituelle a souvent été perçue comme élévation, ascension, progression de l’âme vers Dieu. Pour Jean Ruysbroeck (1293-1381), mystique flamand, précurseur de la devotio moderna, cette montée à « l’échelle d’amour » invite à l’abaissement. S’épanouir en Dieu, c’est participer à l’humilité du Christ. 

    ruysbroeck,jan van ruusbroec,moyen âge,mystique,claude-henri rocquet,traduction,brabantCe livre de Ruysbroeck est une lettre de conseils adressée à une moniale maîtresse de chœur de son couvent. Il peut, certes, se lire et se méditer dans le silence et la solitude. Mais mieux vaudrait sans doute le dire, l’entendre, le chanter : des poèmes, jaillis parfois du sein de la prose, le suggèrent.

    Distribué en plusieurs voix, jalonné de chants et de musique, de silences, de pauses méditatives, ce livre apparaîtrait ainsi moins proche de l’épître, de l’homélie, du traité, que de l’office et de la célébration liturgique.

    Par-là se révélerait pleinement la beauté des Sept degrés de l’échelle d’amour spirituel.

     

    Vie et œuvre de Ruysbroeck (en anglais) par Rob Faesen

     

     première édition, 2000

    ruysbroeck,jan van ruusbroec,moyen âge,mystique,claude-henri rocquet,traduction,brabantCes Sept degrés sont en réalité une édition revue et augmentée de celle parue voici déjà quinze ans. Le traducteur et préfacier s’explique sur l’origine de ce grand livre au format poche (6,50 €) : « J’avais publié une Petite vie de Ruysbroeck chez Desclée de Brouwer et Marc Leboucher, son éditeur, m’a demandé de traduire et de présenter une œuvre de Ruysbroeck dans Les Carnets. Pour respecter le format de cette collection, j’ai choisi l’un de ses livres les plus brefs et j’en ai résumé une partie. L’ouvrage étant épuisé, Bruno Nougayrède (directeur d’Artège qui a repris DDB) a souhaité rééditer Les sept degrés de l’échelle d’amour spirituel, mais de façon intégrale. Cette réédition m’a permis d’étoffer la présentation (un extrait ici) et ma réflexion sur le travail du traducteur. »

    Cette nouvelle exploration du texte de Jan van Ruusbroec (orthographe néerlandaise) conduit Claude-Henri Rocquet à en proposer une lecture à haute voix ; on pourrait même en chanter certains passages en les accompagnant de musique. Quant à son travail de préfacier, il le met sous l’égide de Julien Green : « L’ordre véritable est fondé sur la prière, tout le reste n’est que désordre (plus ou moins bien camouflé). Le Moyen Âge était un immense édifice dont les assises étaient le Pater, l’Ave, le Credo et le Confiteor. Tout ce qui est édifié sur autre chose ne peut que s’effondrer tôt ou tard dans la boue sanglante. » (Journal, 30 juillet 1940)

    Bruegel. De Babel à Bethléem, 2015.

    ruysbroeck,jan van ruusbroec,moyen âge,mystique,claude-henri rocquet,traduction,brabantPar ailleurs, reprenant et révisant sa transposition des Sept degrés (Van VII trappen), œuvre composée vers 1360, C.-H. Rocquet, venu au prieur de Groenendael par les peintres Bosch et Bruegel – auquel il a consacré une véritable somme en deux volets –, nous livre en guise de postface diverses considérations rassemblées sous l’intitulé « Traduire » (p. 121-134). À propos de sa traduction, relisons les propos d’Yves Roullière : « Claude-Henri Rocquet, auteur d’une biographie sur l’ermite de Groenendael, hérite de toute une tradition d’écrivains galvanisés par l’écriture ruusbrochienne Sa manière de traduire, fort élégante, contraste avec celle de dom Louf, plus rugueuse. Il est vrai que Les sept degrés de l’échelle d'amour spirituel se prête à merveille à l’adaptation littéraire, puisque ce traité est aussi un long poème à la gloire de l’Esprit Saint, véritable orchestrateur de chants multiples que le monde n’en finit pas d'entonner. » (2)


    ruysbroeck,jan van ruusbroec,moyen âge,mystique,claude-henri rocquet,traduction,brabantTout comme Michael Edwards dans son récent Bible et poésie (Éditions de Fallois, 2016), le biographe de Ruusbroec insiste à plusieurs reprises sur ce qui lie intimement la poésie et le texte fondateur du monde chrétien, poésie et écrits mystiques : « Le sens, jamais, ne se réduit à la lettre, au littéral. Il n’est pas seulement ‘‘signification’’, mais ‘‘orientation’’, ‘‘direction’’. Et plus un écrit est d’ordre poétique, ou mystique, plus grande et vive la place et la présence de la musique, du chant, dans la parole. […] Le livre est parole, souffle imprimé en signes, pensée changée en écriture, mais cette parole, il ne suffit pas qu’elle soit lue, entendue, il faut qu’elle s’incorpore, qu’elle s’incarne, devienne vivante vie comme le grain se multiplie en épi et comme le blé, récolté, moulu, pétri, cuit, mâché, devient corps et sang, force d’agir et d’œuvrer, de labourer, semer, moissonner et de changer le blé en pain, travail et chemin vers l’esprit, le mystère. » Présence de la musique dans la parole, invitation du texte à se faire corps : voici ce qu’offre le bienheureux Ruysbroeck un siècle après Hadewijch et deux avant saint Jean de la Croix.

    Daniel Cunin

     

    (1) Extrait d’un article saluant la parution de la première édition des Sept degrés de l’échelle d’amour spirituel : Isabelle de Gaulmyn, « Un livre », La Croix, 27 mai 2000.

    (2) Yves Roullière, « Lectures spirituelles. Écrits IV & Les sept degrés de l’échelle d’amour spirituel », Christus, n° 189, janvier 2001.

     

    On pourra lire le bel entretien accordé par Claude-Henri Rocquet à Charles-Henri d’Andigné : « Ruysbroeck, maître spirituel pour temps troublés », Famille chrétienne, n° 1974 du 14 au 20 novembre 2015, p. 32-35 (extrait) :

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    Documentaire (NL) sur Ruusbroec

    (dessins : Anne van Herreweghen)

    Bronnen blijven altijd nieuw: Ruusbroec

     

  • Le traducteur amoureux (5)

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    Paul Claudel, traducteur d'Eschyle

    Conférence de Pierre Emmanuel (1964)

     

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    photo : Paul Claudel, en 1955, lors d'un entretien filmé avec Julien Bertheau

    à propos de L'Annonce faite à Marie

     

     

     

    Claudel traducteur

    par Pascale Alexandre-Bergues

     

    Comme Mallarmé traducteur de Poe ou Gide traducteur de Shakespeare, Claudel s’adonna à ce qu’il considérait comme un « bel art ». Il commença par s’attaquer à la tragédie grecque en proposant une version très personnelle de l’Orestie eschyléenne. De façon plus ponctuelle, il traduisit quelques poètes de langue anglaise. Il consacra les années de la maturité et de la vieillesse au latin de la Vulgate.

    Claudel est avant tout le traducteur de la trilogie qu’Eschyle fit représenter à Athènes en 458 avant Jésus-Christ. Conjuguant à la fois littéralité et travail de création, l’Orestie fait partie intégrante de l’œuvre dramatique claudélienne.

    paul claudel,pierre emmanuel,eschyle,traductionC’est à l’orée de sa carrière que Claudel entreprit de traduire le premier volet de la trilogie antique, l’Agamemnon. Commencée à la fin de 1892 ou au début de 1893 sur le conseil de son ami Schwob, lui-même traducteur – entre autres – d’Hamlet, la traduction fut achevée en 1895. Elle occupa Claudel pendant son premier séjour aux États-Unis, où il fit ses débuts dans la carrière diplomatique, à New York puis à Boston. Au dépaysement géographique auquel aspirait le lecteur de Rimbaud répondit l’expérience de décentrement culturel et esthétique que constituait pour lui cette plongée dans l’univers archaïque d’Eschyle. C’est en effet au miroir du tragique grec que se chercha et se forgea la poétique dramatique de Claudel. Il y trouva aussi la formation prosodique qu’il cherchait. Nombreuses sont les résonances entre l’Agamemnon et les textes dramatiques auxquels travailla alors le traducteur : Tête d’Or, La Ville, L’Échange. La traduction claudélienne de l’Agamemnon fut publiée en 1896, en Chine, où Claudel venait d’arriver comme gérant du consulat de Fou Tchéou. Un exemplaire en fut envoyé à Mallarmé à titre d’hommage. [lire la suite]

     

    Consulter

    Pierre Brunel, « Claudel, Valery Larbaud et les problèmes de la traduction », Valery Larbaud. La Prose du monde, éd. Jean Bessière, Paris, PUF, 1981, p. 163-175.

    Pascale Alexandre, Traduction et création chez Paul Claudel. L'Orestie, Paris, Honoré Champion, 1997.

     

     

  • Un jacuzzi au paradis

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    Là où il y a du textile,

    il y a des fantômes

    le Slalom soft de Paul Bogaert

     

     

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    Paul Bogaert, le Slalom soft, trad. Daniel Cunin et Paul Bogaert

     

    Peut-être le jeune Paul Bogaert, collégien découvrant la poésie, la fascination qu’exercent les mots, l’aspect ludique des collages, a-t-il mis un peu la main à l’œuvre lors de l’écriture du Slalom soft. Toujours est-il que, la quarantaine passée, ce natif de Bruxelles nous a offert, avec son quatrième recueil, un long poème divisé en une trentaine de séquences dont la plupart peuvent se lire séparément. Sans être à proprement parler des formes de collages, ces courtes séries juxtaposent, au fil d’un exercice d’équilibriste, bien des bribes empruntées au discours publicitaire, à la logorrhée managériale, aux slogans qui encombrent nos esprits, au tout-venant du quotidien. Les différentes voix qui se font entendre – le discours direct alternant avec le discours indirect –, ce qui traverse la tête des personnages, tout cela nous arrive sur un ton proche de la langue parlée, langue retravaillée des mois durant non sans laisser le hasard intervenir à sa guise et laisser s’immiscer mensonges, insinuations, interrogations, musiques d’ambiance, rires, cris, interjections, silences… une palette aux nombreuses nuances qui empêche tout lecture univoque, définitive.

    À l’origine, une image, une désillusion aussi. Alors qu’il se rend régulièrement à la piscine avec ses enfants, le père de famille pose un beau jour un regard nouveau sur le maître-nageur. Il ne voit plus en lui le Sauveur, mais un Monsieur Tout-le-monde, un travailleur breveté qui n’est pas à l’abri de la fatigue, de l’arrogance, de l’ennui, des étourderies, des frustrations… Un homme qui accomplit sa tâche en ne semblant rien faire si ce n’est regarder autour de lui. Agissant selon la lettre / et l’esprit de l’heure d’ouverture, / il grimpe routinièrement (mollets durs) sur sa chaise. / Alors qu’il doit prendre son travail, / toute son attention se déboutonne.

    quatrième de couverture

    paul bogaert,le slalom soft,poésie,flandre,belgique,traduction,tétras lyreC’est là que l’écrivain passe à l’action. Son imaginaire aime retenir un décor décalé, s’arrêter sur la façon dont des cerveaux en arrivent à concevoir un tel lieu. En l’espèce, une immense cloche de verre surchauffée sous laquelle, au milieu de palmiers en plastique, le public est convié, contre espèces sonnantes et trébuchantes, à s’ébattre dans l’eau, à s’élancer sur les toboggans des piscines. Un « paradis subtropical » en quelque sorte ou, comme l’ont dit les critiques, un « jacuzzi au paradis », « un parc d’attractions en Enfer », « un voyage sans retour vers l’abîme », qui a sa contrepartie dans les mornes bureaux où le personnel se réunit, travaillote, participe à des séances de brainstorming, où l’on pilote la machinerie. Tandis qu’au paradis aquatique règnent effervescence et enthousiasme, dans les bureaux, l’atmosphère est plutôt tendue. On s’efforce d’inventer des noms alors que la climatisation ne marche pas comme elle le devrait.

    Le dôme de verre est en partie inspiré de Biosphère 2, site expérimental construit dans le désert de l’Arizona pour reproduire un système écologique fermé. La raréfaction de l’oxygène se conjugue avec l’avancée et les vicissitudes de l’histoire qui se déroule sous nos yeux. « La poésie, écrit le Flamand, est un mélange d’enchantement et de désenchantement. Dans certains poèmes, le pendule penche du côté du désenchantement. L’enveloppe ôtée, il ne reste que la construction à l’état brut. C’est comme regarder des plaies. Là, les questions grouillent à la manière de mouches. »

    À travers les différents recueils que Paul Bogaert a publiés à ce jour s’affirme une certaine fascination pour le contrôle que l’homme cherche à exercer sur les choses, pour son aspiration à la perfection. Ou comment les procédures, les mécanismes, les « systèmes circulaires » sont sources du beau, mais aussi menaces puisqu’à tout moment des ratés peuvent venir dérégler la belle mécanique conçue par les ingénieurs, les savants, les logiciels. Qui retire le rat du filtre ? / Qui contrôle le réservoir de chlore ? / Dans un extrême tumulte, les cris perçants, / l’indomptable résonance. // Tout à l’heure, qui plus est, fouiller l’obscurité. // Quand tu iras te coucher / te satisferas-tu // de moins ?

    Paul Bogaert à Passa Porta, 2014

    paul bogaert,le slalom soft,poésie,flandre,belgique,traduction,tétras lyreSous la cloche de verre, les tensions et la crise ne tardent pas à surgir. Des gens qui ont frôlé la noyade et des coachs personnels interrogent le maître-nageur. Il tente de se concentrer. Mais le niveau de l’eau a baissé. Comment peut-il faire face ? Notre homme prend des airs de Steven Fink, l’auteur qui, dans Crisis Management. Planning for the Inevitable, a proposé des solutions pour affronter des situations critiques, par exemple une catastrophe écologique. Un discours certes ramené sous la plume de Bogaert, non sans drôlerie, aux dimensions d’une piscine paradisiaque, la question n’étant pas de savoir si quelqu’un s’y noie, mais la façon dont on prévient une noyade, dont on réagit en cas de malheur, autrement dit : quels sont les mécanismes qui se mettent alors en branle ? Mécanismes pervers et cruels dans l’univers de Steven Fink comme dans celui de ce luna-park, puisque pour tout responsable, gérer une crise revient bien plus à sauver la face qu’à se préoccuper des victimes. De même que dans la publicité ou dans le management, la langue est ici au cœur de la communication. Autour de cette colonne vertébrale – un homme qui ne peut plus faire son travail routinièrement – et de quelques bouillantes scènes de bureau, Paul Bogaert déroule ses vers qu’il truffe de clichés, de formules toutes faites caractéristiques de notre société des loisirs ou qui encore renvoient au jardin d’Éden. Il nous entraîne sur une métaphore, le toboggan baptisé « slalom soft » : livré à la vitesse et à la pesanteur, on risque fort de se perdre soi-même.

    Sans doute faut-il lire dans les courbes facétieuses et la déclivité casse-gueule du Slalom soft, dans les moments de détente et d’évasion du personnage central, consommateur passif et impuissant, une tentative de contourner les discours étouffants dictés par le marketing, le monde de l’entreprise et de la finance. Toutefois, Paul Bogaert ne parodie pas le quotidien, il observe plutôt avec l’œil du documentariste la surabondance du banal et des divertissements vides de sens. Mais s’il critique quelqu’un, la lâcheté et le manque de courage des uns et des autres, il sait pertinemment que la critique s’adresse d’abord à lui-même qui, tout autant que nous, fait partie de cette société.

    D. Cunin

     

    texte paru en guise de postface au recueil le Slalom soft, Liège,

    Tétras Lyre, 2015, « collection De Flandre »

     

    de Slalom soft Live (trailer) from Paul Bogaert (on Vimeo)

     

  • Le poète Willem van Toorn

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    Une cage à la recherche d’un oiseau

     

     

    Willem0.pngNé le 4 novembre 1935 à Amsterdam, Willem van Toorn est romancier, poète, essayiste et traducteur (en particulier de Kafka et de John Updike). Sobre et teintée d’ironie, sa poésie explore les « entrebâillements » de la réalité tout en montrant un grand attachement aux paysages et à la nature. En compagnie de son épouse Ineke Holzhaus, l’auteur partage son temps entre les Pays-Bas et un hameau du Berry. L’essentiel de son œuvre est publié à Amsterdam chez Emanuel Querido ; Willem van Toorn vient d’ailleurs de consacrer une biographie à cet homme à l’occasion du centenaire de la naissance de la maison d'édition (2015).

    Les jeunes éditions bruxelloises L’arbre de Diane publient un choix de sa poésie dans la toute nouvelle collection « Soleil du Nord » qui a pour vocation de faire découvrir des auteurs d’expression néerlandaise.

     

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    Willem van Toorn, Une cage à la recherche d’un oiseau

    liminaire Benno Barnard, traduction Daniel Cunin

    Bruxelles, L’arbre de Diane, 2016

     

     

    Liminaire au recueil

     

    Communiqués de presse mythiques

     

    En 1983, quand je fis la connaissance de Willem van Toorn au Festival de poésie de Rotterdam, je n’avais pas encore 30 ans. Grand postado à peine remis de mes oreillons et arborant une fine moustache, je servais, à la manière d’une enfant de chœur, le culte de la poésie moderniste dans laquelle je voyais mon salut. T.S. Eliot, Guillaume Apollinaire et Martinus Nijhoff – le poète néerlandais le plus influent de la première moitié du XXe siècle – formaient ma Trinité. De vingt ans mon aîné, Willem van Toorn écrivait des poèmes, comment dire, plutôt gentils me semblait-il, qui s’adressaient en premier lieu à des dames émotives. Je m’empresse de préciser que je pensais la même chose de ceux de Rainer Maria Rilke.

    Il se trouve que j’allais changer bien plus que Willem. Témoignant d’une constance remarquable, il n’a cessé en effet de composer dans une tonalité propre, si bien qu’il est parfois difficile de dire si tel de ses poèmes est récent ou remonte à plusieurs décennies – quoi qu’il en soit, c’est bien lui et personne d’autre que l’on entend. Ossip Mandelstam nous l’a dit : un poète, c’est d’abord une voix.

    Pendant ce temps, j’évoluais. Sans renier « mes » modernistes, j’ai peu à peu découvert des ramifications merveilleuses dans le grand arbre de la poésie ; une poésie « accessible » à travers laquelle coule la même sève généalogique qui, ailleurs dans cet organisme complexe, nourrit les grands novateurs. Willem connaît mieux que personne l’histoire de cet art. La façon dont il incorpore ce savoir à ses vers sans forcer sa propre voix, voilà ce que j’ai appris à admirer.

    Le poète Willem van Toorn, je l’ai réellement découvert en lisant la plaquette Eiland (Île), parue en 1991. Dans ces pages, une chose – chose présente dans l’ensemble de l’œuvre – m’a profondément touché. Une simplicité mystérieuse. Des communiqués de presse mythiques, faisant la part belle à des assonances et des enjambements aussi naturels que les méandres d’un fleuve. Et partout de l’amour, de la mort, thèmes jumeaux dans leur primitivité. Ainsi dans ce poème du cycle « Fin de partie » :

     

    Tout ce qui reste : des histoires

    racontées pour ralentir le reste

    de ton temps, des héros. Eux portent

    leurs boucliers sur le lent fleuve

    avec intrépidité vers l’amont.

     

    Et de la mer qui se soulève

    vers la lune et la grève. De la nuit

    où le hibou sans bruit s’étire avant

    de déployer ses ailes et de frapper

    avec douceur mais sans pitié.

     

    De l’enfant qui entend l’appel

    sans rien savoir de la souris et rêve

    d’un roi dans un vieux palais.

    Tire sur lui les couvertures

    et sourit dans son sommeil.

     

    Que fait Willem van Toorn dans ses poèmes ? Il gémit mélodieusement aux étoiles : il nous faut exister, nous dit-il, vous et moi, et si possible de la façon la plus humaine qui soit.

    Permettez-moi de vous confier qu’à l’âge de 80 ans, soit toujours vingt de plus que moi, il est l’exception parmi les poètes européens, le seul qui, par sa voix saisissante, parvienne à me tirer des larmes.

     

    Benno Barnard

     

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  • DESHIMA n° 9 - 2015

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    Correspondance savante

    entre la France et les Pays-Bas

     

    Édité par Thomas Beaufils & Guillaume Ducœur

     

     

    Le dossier thématique de ce numéro 9/2015 de Deshima est consacré à l'étude de la correspondance entre savants francophones et néerlandais. Ces lettres sont révélatrices de la richesse des échanges intellectuels qui eurent lieu au cours du XVIIIe siècle dans les milieux jansénistes et, d’autre part, aux XIXe et XXe siècles dans les milieux académiques, en particulier au sein des communautés des historiens, anthropologues, sociologues et indianistes. L’analyse de ces correspondances, pour la plupart inédites, permet de mieux saisir le contexte de la circulation des idées de l’époque ainsi que les contenus de ces transferts intellectuels qui n’apparaissent pas toujours ouvertement dans les ouvrages publiés.

     

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    SOMMAIRE

     

    Correspondance savante

    Thomas Beaufils, Guillaume Ducœur – Avant-propos

    Philippe Moulis – Une correspondance clandestine. Les jansénistes de la France septentrionale et des Provinces-Unies de la bulle Unigenitus à 1724

    Annick Fenet – « Au-dessus des intérêts strictement nationaux ». La correspondance orientaliste de Senart à Snouck Hurgronje de 1909 à 1927

    Thomas Beaufils – Marcel Mauss, la Hollande et les Hollandais. Correspondance de 1898 à 1938

    Christophe de Voogd – Histoire d’une collaboration avortée. La correspondance entre les fondateurs des Annales et Johan Huizinga

    Guillaume Ducœur – « Nous avons combattu ensemble ». Correspondance de Georges Dumézil et Jan de Vries de 1949 à 1964

    Dan Dana – « L’étrange et beau univers du germanisme ». Correspondance de Mircea Eliade et Jan de Vries de 1955 à 1963

     

    Savants mélanges

    Viola Eshuis – Wim T. Schippers : l’enfant rebelle des médias

    Pierre-Brice Stahl – Énigmes et nature des protagonistes dans la Hervarar saga ok Heiðreks et le Vafþrúðnismál

     

    deshima,revue,pays-bas,flandre,traduction,johan huizinga,marcel mauss,georges dumézil,jan de vries eliadeLittérature des pays du Nord


    Nathan Trantraal – Vache enragée (poèmes traduits de l’afrikaans par Pierre-Marie Finkelstein)

    Kaspar Colling Nielsen – Le Pélican (nouvelle traduite du danois par Catherine Jaegler)

    A. Alberts – Le roi est mort (nouvelle tirée du recueil Îles, traduit du néerlandais par Kim Andringa)

    Edvard Hoem – Complications amoureuses (texte traduit du nynorsk par Linnea Savio)

    Tom Van de Voorde – Poèmes (traduits du néerlandais par Daniel Cunin)

     

     

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