Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Auteurs néerlandais - Page 20

  • Ah ! Europe !

    Pin it!

     

     

    Un poème de Huub Beurskens

     

     

    Huub Beurskens, pays-bas, poésie, roman, vaucluse, jean-henri fabre, inuits dans la jungleNé en 1950 à Tegelen (Limbourg), sur les bords de la Meuse, Huub Beurskens vit à Amsterdam où il édifie une œuvre de peintre, de prosateur et de poète. Depuis 1975, il a publié de nombreux livres. De cet ensemble, on retiendra un roman qui, pour être court, n’en est pas moins magistral : De verloving (Les Fiançailles). Traduit en allemand par Waltraud Hüsmert (Das Verlöbnis, Berlin, Twenne, 1992), ce chef-d’œuvre, qui se déroule entre Lorraine et Provence, nous transporte dans l’esprit d’un modéliste, furieux d’être arraché à ses trains miniatures et à ses paysages ferroviaires pour suivre sa sœur et sa mère du côté de Vaison-la-Romaine. Leur « pèlerinage » annuel dans la région de Jean-Henri Fabre, le trente-huitième ! Tandis que Jacques se réfugie dans ses modèles réduits, sa sœur Ilse – qui prend la parole dans le second volet de l’histoire – est entichée d’entomologie. La violence sous-jacente, la colère et l’angoisse suscitée par un passé familial refoulé qui s’immisce dans la conscience des personnages à travers leurs violons d’Ingres, sont dévoilés d’une main de maître par l’écrivain. Quelles vont être les incidences du décès de la mère après ces dernières vacances sous la canicule du Vaucluse ? Vers quelles fiançailles les petites locomotives, qui envahissent peu à peu l’appartement qu’occupent les protagonistes, vont-elles conduire le quadragénaire Jacques ? Sur quelles ailes va désormais voler Ilse, elle qui a pour habitude de papillonner d’homme en homme ?

    huub beurskens,pays-bas,poésie,roman,vaucluse,jean-henri fabre,inuits dans la jungleLe poème « Ah ! Europe ! », proposé en lecture ci-dessous, est la transposition française d’une page du dernier recueil de Huub Beurskens, Hôtel Eden (Nieuw Amsterdam, 2013). On pourra en lire quelques autres, tirés pour la plupart de la même publication, dans la revue Inuits dans la jungle, n° 6, juin 2015 : « Heure dionysiaque », « La reproduction interdite », « Faisons plus simple », « Pensé sous un olivier », « Harvey Kennedy » et « Je connais un homme ». Un des poèmes dHôtel Eden sintitule : « À Vence, sur une tombe ».

     

     

    huub beurskens,pays-bas,poésie,roman,vaucluse,jean-henri fabre,inuits dans la jungle

    Huub Beurskens, juin 2013, Vence

     

     

    Ah ! Europe ! 

     

    Ah ! Europe ! toi et dans tes villes

    tous ces animaux qui envient l’homme :

    que ne vivent-ils comme lui

    les quatre saisons, sans conscience

    de ce qui l’a engendré, de ce qu’il

    a fait de cela et qu’il abandonnera

    bientôt, toutes ces ruines.

     

    Les poissons rouges de la Villa Borghèse

    nagent vers le bord pour s’adresser

    à travers l’eau à l’homme

    sur la berge : ce que ça rend triste

    nager ainsi en rond

    sous le reflet du grand décombre

    des siècles alors que de la vase

    croit un luxuriant paspouvoiroublier.

    Mais l’homme ne s’entend pas

    avec pareil langage, il jette guilleret

    un peu du pain qu’il ne peut finir

    et digne d’être envié poursuit dos droit.

     

    Des tombeaux de Montparnasse

    les chats interpellent l’homme

    qui flâne sans plus sous le soleil :

    ce que ça rend mélancolique devoir

    lire ces noms jadis illustres au-dessus

    de siècles d’ossements en sachant

    qu’est advenu ce qui devait advenir,

    fissure de la pierre, rouille des chaînes.

    L’homme ne se laisse pas

    prendre par pareilles pensées, il rit

    avec l’insouciance d’arbres qui bruissent,

    à jamais en phase avec l’invention

    du carrousel et de la culotte courte.

     

    Ah ! Europe ! vois combien il s’accoupule

    sans s’en faire. Oh ! l’homme qui va bientôt

    s’allonger pour mourir sans bruit

    dans un coin crasseux d’une venelle,

    parmi de vieux journaux, sous un buisson

    du parc du Retiro ou à même un carton

    dans une grange un garage.

     

     Huub Beurskens

     

    traduit du néerlandais par Daniel Cunin

     

    huub beurskens,pays-bas,poésie,roman,vaucluse,jean-henri fabre,inuits dans la jungleInuits dans la jungle, Le Castor Astral, juin 2015, n° 6 (dossier « 10 poètes néerlandais d'aujourd'hui » présenté par Benno Barnard : poèmes de Guillaume van der Graft – Willem van Toorn – Hans Tentije – Hester Knibbe – Robert Anker – Eva Gerlach – Huub BeurskensWillem Jan OttenBenno Barnard, traduits du néerlandais par Daniel Cunin, pour certains en collaboration avec Kiki Coumans, précédés du poème « Awater » de Martinus Nijhoff traduit par Paul Claes).

    Plusieurs liens sur cette page renvoient à d'autres traductions de poèmes de Huub Beurskens publiées ces dernières années dans diverses revues.

     

     

     

    Huub Beurskens, pays-bas, poésie, roman, vaucluse, jean-henri fabre, inuits dans la jungle

     

     

  • Le mouvement flamand

    Pin it!

     

    Un texte d’Andriès de Rosa

     

    Andries de Rosa, revue naturiste, littérature, flandre, Belgique, pays-Bas, Saint-Georges de Bouhélier, Cyriel Buysse, Auguste Vermeylen

     

    La figure d’Andries de Rosa a fait l’objet d’un portrait sur flandres-hollande. Cet auteur, musicien, traducteur et activiste néerlandais a, au tournant du XXe siècle, été un proche du jeune écrivain Saint-Georges de Bouhélier. À ce titre, dans le n° 1 (mars 1897) de la Revue naturiste, il a signé un article intitulé « Le Mouvement Flamand », pages que nous reproduisons ci-dessous.

    A. de Rosa

    andries de rosa,revue naturiste,littérature,flandre,belgique,pays-bas,saint-georges de bouhélier,cyriel buysse,auguste vermeylen

    Le critique mentionnant la revue Van Nu en Straks (D’Aujourd’hui et de Demain) ainsi que le nom de quelques écrivains (Cyriel Buysse et August Vermeylen), il n’est pas inutile de fournir des précisions sur le contexte littéraire flamand de l’époque, caractéristique d’une société où certains tentaient de redresser la barre après des décennies, voire des siècles, d’appauvrissement culturel : « Et brusquement, en 1893, paraît le premier numéro de la revue intitulée D’Aujourd’hui et de Demain ; les rédacteurs en sont August Vermeylen, Emmanuel de Bom, Cyriel Buysse et Prosper Van Langendonck. La première série de cette revue, qui compte dix numéros, bien imprimés, édités avec soin, sera suivie trois ans plus tard d’une second série (1896-1901). Le groupe de ces pionniers, hétéroclite au possible, n’a pas de principes artistiques bien déterminés. Le seul but qui lui donne quelque cohésion est d’élever les lettres flamandes au rang des autres littératures, et non seulement la littérature mais la vie culturelle tout entière. La revue réserve, en effet, une large place aux arts. Chaque numéro est orné d’un dessin ou de la reproduction d’une œuvre d’artiste d’avant-garde. C’est ainsi que la première série parue en 1893 comporte un numéro entier consacré à Van Gogh. Le renouvellement provoqué par le groupe Van Nu en Straks sera pour la Flandre aussi important que le mouvement de 80 en Hollande et, du jour au lendemain, la littérature flamande sera comme réintégrée dans le grand courant européen. […] Jamais, ils ne sublimèrent leur individualisme, toujours ils eurent à l’esprit le rôle social de l’art et de l’artiste. Leur amour profond de la Flandre et de la cause flamande les empêche de perdre le contact avec le peuple. […] Le grand animateur de la ‘‘renaissance’’ de 1890, celui qui tira vraiment la littérature flamande de la banalité, de la mièvrerie, du romantisme pleurnichard et du naturalisme terre-à-terre fut, sans contredit, August Vermeylen. »*

    andries de rosa,revue naturiste,littérature,flandre,belgique,pays-bas,saint-georges de bouhélier,cyriel buysse,auguste vermeylenQuant à l’article de Cyriel Buysse qui a conduit Andries de Rosa à rédiger le sien, il s’agit de « Flamingantisme en flaminganten », paru dans De Amsterdammer le 17 janvier 1897. Dans ce texte, le romancier s’exprime comme Camille Lemonnier et d’autres, dans la mesure où il estime que le flamand est une pauvre petite langue. En réalité, Buysse formule en l’espèce un regret : celui de ne pas maîtriser le français aussi bien que son ami Maeterlinck. Dans une lettre ouverte qu’il adresse peu après (le 5 février) à L’Étoile Belge, il poursuit dans le même registre pour se défendre face aux réactions que son article a suscitées : « On conçoit que le dialecte flamand, en sa fruste saveur, puisse tenter la plume d’un curieux littéraire ou l’étude d’un philologue fureteur, mais quelle arme triste pour la conquête des idées et la conquête du pain, en un pays comme la Belgique ! »** S’il nuancera par la suite son point de vue et fera honneur à sa langue maternelle en composant des romans remarquables, C. Buysse ne se sera pas moins attiré la foudre des défenseurs d’un renouveau de la culture flamande, en particulier des hommes avec lesquels il a cofondé le périodique Van Nu en Straks. C’est cette situation singulière qui inspire à A. de Rosa les lignes qu’il donne à la Revue naturiste.

     

    * François Closset, Aspects & Figures de la Littérature Flamande, Bruxelles, Office de Publicité, 1943, pp. 53-54 et 55.

    ** Joris van Parys, « ‘’Toute la Flandre est en lui’’. Cyriel Buysse en de Franstalige Vlaamse literatuur », Mededelingen van het Cyriel Buysse Genootschap, 14, 1998, p. 7-31. Voir aussi la biografie que le même auteur a consacrée au romancier : Het leven, niets dan het leven. Cyriel Buysse en zijn tijd.

     

    Andries de Rosa, revue naturiste, littérature, flandre, Belgique, pays-Bas, Saint-Georges de Bouhélier, Cyriel Buysse, Auguste Vermeylen

     

    Pour bien montrer la lutte désespérée que les Flamands pourvus du sentiment national ont à soutenir contre leurs compatriotes assez artificiels pour dédaigner la sève même de leur sol national, il faudrait traduire entièrement un article de M. Cyriel Buysse, paru dans un journal hebdomadaire d’Amsterdam. Je crois pourtant suffisant d’en extraire quelques phrases qui pourront servir de points de départ à plusieurs remarques personnelles.

    Voici ce que cet auteur de plusieurs romans écrits en flamand nous révèle en outre dans cette étude :

    C. Buysse

    andries de rosa,revue naturiste,littérature,flandre,belgique,pays-bas,saint-georges de bouhélier,cyriel buysse,auguste vermeylen« Il n’y a pas en ce moment dans toute la Belgique Flamande – hormis le très remarquable recueil Van Nu en Straks, rédigé en néerlandais, – un seul périodique ou journal qui puisse convenir à un lecteur orné d’éducation intellectuelle. Toute originalité, tout amour propre a disparu et ainsi, est-on arrivé peu à peu à la situation navrante qui caractérise aujourd’hui le mouvement flamand. »

    Et plus loin :

    « Il eût été préférable et plus sage de reconnaître franchement la grande et si salutaire influence de la littérature et des idées françaises, de nous approprier ce qu’il s’y trouve de bon, sans abdiquer pour cela nos qualités originales, etc., etc. »

    Dans ces paroles, M. Cyriel Buysse donne inconsciemment une critique de son œuvre et de toute la situation littéraire en Belgique. Car s’il est vrai que l’on ne trouve pas en Belgique de revue ni de journal original, c’est précisément parce que l’esprit flamand s’est approprié « ce qu’il y a de bon dans la langue et les idées françaises ». Ils ont en effet voulu garder leurs qualités originales, mais, hélas ! l’œuvre soi-disant flamande ainsi conçue est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, une combinaison pour ainsi dire hermaphrodite ; c’est qu’écrite en français, elle ne peut conserver son autonomie, dans une atmosphère étrangère. Poussés par des aspirations matérielles, les écrivains flamands dont la célébrité obtenue par leurs confrères français, avaient stimulé l’ambition, s’en allaient écouter avec une oreille barbare ce qu’enseignait la voix française. Errant dans les campagnes de leur pays dont les odeurs parfumaient leur pensée, ils regardaient les sites du pays voisin et se plaisaient à frelater, en quelque sorte, leur verve nationale.

    andries de rosa,revue naturiste,littérature,flandre,belgique,pays-bas,saint-georges de bouhélier,cyriel buysse,auguste vermeylenAinsi le peuple ne trouvant plus sa suffisance intellectuelle et sentimentale dans les livres de ses auteurs, languissait et s’en allait parmi les autres littératures choisir des œuvres originales, qu’il devait préférer aux pastiches qu’on lui fournissait. Il se désintéressa de cette langue vouée désormais à des usages insignifiants, et le dialecte flamand, n’étant plus nourri par les fruits de la pensée, ne pouvait suivre les évolutions et agonisait abandonné.

    Aujourd’hui avec le courage que donne l’espoir, le peuple flamand se lève robuste et volontaire. Il réclame ses droits à une langue qui s’adapte à ses instincts, qui répond à son organisme. Il rappelle l’odyssée de cet idiome qui se trouve condamné depuis les événements de 1830. La langue maternelle bannie de ses écoles et de la vie publique, il devait appeler un avocat parlant français pour défendre ses droits et on le condamnait sans qu’il comprît le jugement.

    Après une lutte acharnée, quelques esprits courageux comprennent qu’une langue nationale leur est indispensable et ils forcent leurs représentants gouvernementaux à la faire apprendre publiquement.

    Jan Van Beers

    andries de rosa,revue naturiste,littérature,flandre,belgique,pays-bas,saint-georges de bouhélier,cyriel buysse,auguste vermeylenBien qu’ils soient réduits à une littérature traditionnelle plutôt restreinte, les Flamands refusent de s’intéresser aux poètes belges contemporains qui s’obstinent à traduire et à détériorer leur pensée, dans une langue qui leur est étrangère, dont ils ne distinguent pas les nuances. Dans leur littérature ancienne, ils trouvent bien le monotone Van Beers, mais par contre, ils possèdent le sublime Ruysbroeck. Si l’on estime en France des artistes comme le génial Verhaeren, Edmond Picard, Georges Rodenbach, Eekhoud, Maeterlinck, ils eussent été des gloires nationales du peuple flamand, si la langue dont ils se servent était en harmonie avec leur œuvre, l’âme de leur race. En ceci je crois être d’accord avec l’éminent sénateur belge, M. Edmond Picard, qui déclarait dernièrement que l’œuvre de Maeterlinck et d’Eekhoud doit son originalité à l’esprit des Flandres.

    Bien des jeunes auteurs belges qui passent inaperçus en France, parce qu’ils ne savent pas, malgré leurs efforts, faire concorder leurs œuvres avec la pensée française, seraient estimés chez eux s’ils voulaient écouter les sons authentiques de ce pays natal, où naquirent aussi leurs pères.

    Ce ne sont pas les frontières qui délimitent les races, c’est l’esprit des ancêtres dont l’organisme se réglait selon les nécessités du milieu. Le cosmopolitisme sera possible quand les races sauront se reconnaître mutuellement ; alors le danger babylonien n’existera plus.

    *

    *    *

    Le grand obstacle du mouvement flamand, et qui retarde sa réussite, c’est la discorde qui partage les différents groupes. De là des défaillances. Parmi ceux qui se distinguent dans cette résurrection d’une race se trouve un littérateur purement flamand, M. Auguste Vermeylen, qui dans sa revue Van Nu en Straks, révèle vigoureusement son énergie et son tempérament. C’est lui qui criait tragiquement :

    A. Vermeylen

    andries de rosa,revue naturiste,littérature,flandre,belgique,pays-bas,saint-georges de bouhélier,cyriel buysse,auguste vermeylen« … Celui qui recevait une instruction élémentaire ou supérieure désapprenait le flamand, sans toutefois arriver jusqu’à une connaissance profonde de la langue française, les plus grands esprits de notre race – pensez aux meilleurs de nos écrivains soi-disant belges – demeurent sans contact avec la vie multiforme qui vibre autour d’eux. Le viol le plus honteux de tout ce qui nous est propre, de tout ce qui fait notre unité spirituelle est appelé légitime ; et l’on prétend encore, que chez nous le seul moyen de civilisation est d’étendre, de plus en plus, l’usage du français. Croit-on donc que le peuple pourrait nier ou oublier sa langue ? Elle est dans son corps et n’en sort pas facilement… »

    Malheureusement de cris pareils sont rares. Les poètes flamands se résoudront-ils à faire chanter l’âme de leur race dans une langue adéquate ? Laisseront-ils leur langue nationale devenir un patois informe, tandis qu’en usant du français, ils ne peuvent intégralement exprimer leur sensation, sont mal à l’aise et sont réduits à ne convenir à aucun des deux peuples qu’ils voudraient subjuguer ?

     

    Andriès de Rosa

     

    Dans le premier fascicule de la nouvelle série de la revue Van nu en Straks, M. A. Vermeylen continue vaillamment la lutte pour les droits de sa langue. Dans ce même numéro, il y a de très jolis vers de M. Prosper Van Langendonck.

    A. de R.

      

    Andriès de Rosa, « Le Mouvement Flamand »

    La Revue naturiste, n° 1, mars 1897, p. 31-34

     

    Andries de Rosa, revue naturiste, littérature, flandre, Belgique, pays-Bas, Saint-Georges de Bouhélier, Cyriel Buysse, Auguste Vermeylen

      

    merci à Mikaël Lugan et au blogue des Petites Revues

     

     

    Cyriel Buysse et Auguste Vermeylen à Bruxelles

     

     

  • Le peintre Thomas Cool

    Pin it!

     

     

    Années à la Villa Strohl-Fern

     

     

    ThomasCool3.png

     

    En 2010, une exposition rehaussée d’une publication dun format original (1) a permis de redécouvrir le peintre Thomas Cool (1851-1904). Cet homme né en Frise a fait assez tardivement le choix de la vie artistique. Il a placé la Rome ancienne au cœur dune œuvre à laquelle le Stedelijk Museum d’Amsterdam a consacré une rétrospective posthume en janvier-février 1916.

    Th. Cool a laissé quelques traces dans la littérature néerlandaise. On pense que le personnage Duco van der Staal du roman Langs lijnen van geleidelijkheid (2) de Louis Couperus est en partie basé sur la figure de ce Hollandais qui affirmait « ne jamais peindre ce qu’il voyait, mais ce qui transportait ses yeux vers une vie plus élevée ». De son côté, Maurits Wagenvoort (1859-1944) a brossé un portrait du talentueux artiste (sous les traits du peintre Terhaer) et de ses proches dans son roman anarcho-parisien De droomers (Les Rêveurs, 1900). Cet écrivain, contemplant à nouveau des œuvres de son défunt ami en 1930 à l’occasion d’une exposition organisée à La Haye, réitère son admiration en parlant « d’une facette géniale de son inspiration ».

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool

    Forum Romanum, pastel

     

    Mais c’est essentiellement grâce à Tine, l’une de ses filles, que les lecteurs ont mieux fait connaissance avec Thomas Cool. En 1928, la jeune femme publiait Wij met ons vijven in Rome dont une traduction anglaise a vu le jour récemment grâce à l’initiative d’un homonyme et arrière-petit-fils du peintre (3). Certes, l’ouvrage, qui a connu un réel succès, s’adressait à un jeune lectorat ; mais pour nous, il offre un témoignage sur une famille qui, de 1892 à 1896, a vécu dans le cadre privilégié de la Villa Strohl-Fern. L’Alsacien Alfred Wilhelm Strohl l’avait acquise en 1879 ; il l’aménagea pour en faire un point de chute pour des artistes. Ainsi, Rilke y a séjourné au début du XXe siècle. Légué au gouvernement français, le lieu a abrité à partir de la fin des années cinquante le Lycée Chateaubriand. En 2012, une exposition a remis en mémoire ce passé glorieux où la Villa accueillait nombre de personnages de renom.

    Interieur du Dôme de Milan

    thomas cool,frise,pays-bas, Gabriele D’Annunzio, rené doumic, rome,italie,sculpture,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool,villa strohl-fernÀ l’époque où Th. Cool travaille à Rome, le critique d’art allemand Albert Zacher lui rend visite. Cette rencontre a inspiré à ce dernier une belle page publiée dans le Franfürter Zeitung du 9 juin 1895. Il est permis de penser que les hommes de lettres Gabriele D’Annunzio et René Doumic sont eux aussi passés par l’atelier du Frison. Dans la Ville Éternelle, la colonie hollandaise, que Couperus et Wagenvoort fréquentaient, comptait alors au moins deux autres artistes en vue : le sculpteur Piet Pander (1864-1919) et le paysagiste Romolo Koelman (1847-1920).

     

    D. Cunin 

     

    (1) Willem Winters, Thomas Cool. Een Friesch schilder. 1851-1904, Leeuwarden, Perio, 2010.

    (2) On peut en lire la traduction récente en anglais de la main de Paul Vincent : Inevitable.

    (3) C.A. (Tine) Cool,  The five of us in Rome. An artist’s family in Villa Strohl-Fern in Rome 1892-1896, traduit du  néerlandais par Th. Cool, La Haye, 2011. 


    Quelques images de l’exposition « Artisti a Villa Strohl-Fern » (2012)

     

     

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool

     

     

    The five of us in Rome

    QUATRIÈME DE COUVERTURE

     

    The Five of us in Romeis the delightful story told by a young girl who arrives in Rome in 1892 almost 5 years old and who leaves in 1896 as a 9-year old. Her father is an art painter who rents an atelier with family living quarters in the Villa Strohl-Fern, a mansion full with other artists, situated in a lush park close to Villa Borghese and the Academies of Art - in this period still on the outskirts of Rome. The story received the prize of the best book for girls in 1928 in Holland.

    Given the amassed artistic talent at the Villa Strohl-Fern and its particular role in art history Tine’s book has become a remarkable historical document as well. It relates about life at the Villa in its early years, and the family story connects with historical figures from this special place and period. This first translation in English includes many historical links that do not appear in the 1928 Dutch original.

    Thomas Cool

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine coolAround 1895 countries had kings and emperors, people rode in horse drawn carriages and steam trains, the telephone was only an invention. Nations had the Prix de Rome for their best young art talents to study in the Eternal City. Many of them later made a name. The painter from Holland is older and comes with his wife and three children, all paid for by his father, a manufacturer. He has his aim in art: “Rembrandt opened our eyes by painting directly what the world offers. He taught us his effects of light and dark. Above all, according to me, he embodies the phenomena in nature and the dramatic sentiment by which I experience the world.” When his daughter Dientje gets ill with malaria perniciosa he has to choose between his family and his desire of artistic fulfillment in Italy. All the while Tine’s eye and heart record how it is to be a young girl in a foreign land and in that garden between artists.

    Tine’s style in Dutch is lofty and tinges on the formal. This English translation is more fluid but the lofty Father and Mother have been retained. This edition is not intended as a children’s book but is for readers with an interest in cultural history and the joy in life.

    Tine Cool (1887-1944) was a garden architect and writer.

     

     

    UN EXTRAIT

    «The Pantheon », p. 111-114

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool

    Panthéon, Rome, huile

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool

     

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature,louis couperus,cornelis veth,maurits wagenvoort,tine cool

    Th. Cool, Messe à Saint-Pierre 

     

    thomas cool,frise,pays-bas,peinture,littérature

    Cornelis Veth, « Architectuurschilder van beteekenis »

    De Telegraaf, 3 juillet 1930

     

     

     

  • Un monde à explorer

    Pin it!

     

       

    Réflexions luxembourgeoises

    sur la traduction littéraire

     

     

     

    « Et il y a les traductions. Ah, si on ne traduisait que les œuvres vraiment représentatives et dignes de rendre témoignage ! Mais vous savez trop bien que cela n’est pas et qu’ici comme ailleurs le scandale fait prime. On est en train de traduire le Voyage au bout de la Nuit de Céline. Voulez-vous mon avis ? On peut aimer ce livre d’une probité certaine, mais plutôt faisandé et relevé d’un haut-goût un peu particulier. Il est certain cependant que la traduction de ce livre n’ajoutera rien à la gloire de la France. Ce Voyage n’est pas, ne devrait pas être un article d’exportation. »

    Philinte

    « Probité littéraire », Escher Tageblatt, 2 septembre 1933

     

     

    alluvions1.png

      

    Dans un supplément de l’Atlantic Monthly, consacré principalement à la littérature de la Belgique et des Pays-Bas, l’écrivain néerlandais Adriaan van der Veen raconte que, peu avant la guerre, son compatriote, le grand essayiste Menno ter Braak, participait à Paris à un congrès international d’écrivains. De nombreux orateurs avaient pris la parole avant lui et l’audience était passablement fatiguée, lorsqu’il lui fut donné d’intervenir à son tour dans le débat. La soif avait fait émigrer vers le bar la quasi-totalité des hommes de lettres. Tandis que Ter Braak exposait ses vues pertinentes la salle continuait de se vider. Bientôt, il ne resta plus de l’auditoire que l’écrivain Heinrich Mann et le président du Congrès. L’auteur de Professor Unrat se pencha vers le président et lui glissa dans l’oreille une phrase qu’entendit Ter Braak : « Mon Dieu, qui cela peut-il bien être ? » Et le président de répondre : « Réellement, je n’en sais rien. »

    couv-Perron.pngCette anecdote, Adriaan van der Veen la tient du regretté Ed. du Perron, l’un des écrivains contem- porains néerlandais qui fait honneur à la littérature universelle, et il rapporte la morale que Du Perron tirait de cette histoire : « C’est une chose terrible que d’écrire dans un langage secret. »

    Langage secret, langue confidentielle, le néerlandais n’a pas l’audience auquel il a droit de par le caractère des œuvres littéraires qui paraissent aux Pays-Bas.

    Certes, on n’ignore pas entièrement la prose néerlandaise à l’étranger. Des écrivains comme Antoon Coolen, Den Doolaard, Fabricius, Jan de Hartog, J. W. Hofstra, Arthur van Schendel ont été traduits en français, pour ne citer que quelques romanciers au fil de l’alphabet. Mais on ne peut prétendre que la littérature des Pays-Bas est « illustrée » en Europe grâce aux œuvres de ces écrivains. À de rares exceptions près, les romans traduits l’ont été en fonction d’un critère régionaliste. C’est ainsi que le roman Bartje – d’inspiration et d’exécution essentiellement régionalistes – à été traduit en vingt-deux langues, et que Hilde, également de la main d’Anne de Vries, n’est pas loin du compte.

    couv-Doolaard.pngAvec amertume, Adriaan van der Veen constate que ce serait un stimulant non négligeable pour les écrivains néerlandais les plus doués si le petit groupe international des éditeurs consacrait un peu plus d’intérêt à la véritable littérature hollandaise qui, assurément, comporte quel- ques-unes des beautés qu’on admire dans la peinture de ce pays.

    Or, qu’entend retirer le lecteur étranger d’un livre traduit d’une « langue confidentielle » ? Bien souvent, avant tout, le secret d’une mentalité qui n’est pas la sienne, une vision qui lui permette d’accéder à l’âme d’un peuple inconnu, aussi, une certaine « couleur locale ». C’est en fonction de ce critérium qu’ont été traduites les œuvres néerlandaises qui passent à tort pour représentatives de la littérature des bas pays. Dans cette nation de vieille culture, l’élément anecdotique régional fait la plupart du temps défaut. Le roman néerlandais – pour ne parler que de lui – est axé principalement sur des conceptions de vie universelles, sur des instants humains immuables, que la barrière des langues ni même la géographie ne transforment dans leur essence. C’est ce qui oblige Mme A. Romein-Verschoor, dans un essai sur la littérature hollandaise contemporaine (1), à se demander s’il y a vraiment un esprit hollandais. Il y en a un, déclare-t-elle, et il est d’une nature peut-être plus personnelle que tout autre esprit national, et aux racines plus profondes. « Il n’est pas moins déterminé par l’histoire que par le climat et le paysage et il ne s’apparente guère visiblement aux sabots ni aux moulins. Un de ses caractères réside précisément dans la faculté d’adaptation qu’un petit pays de commerçants a acquise au cours des siècles par la fréquentation assidue des nations environnantes et, comme conséquence, dans un nationalisme plutôt faible ou du moins critique. L’écrivain hollandais d’aujourd'hui est Hollandais parce qu’il ne peut faire autrement, mais le but conscient qu’il poursuit est plutôt d’atteindre un niveau européen que d’exprimer l’âme nationale. Il se rend parfaitement compte que la prérogative d’exprimer de façon consciente l’âme nationale est l’apanage des grands peuples culturels, mais que si un petit peuple s’y aventure, il tombe aisément dans un chauvinisme creux. Et il y a peu de choses qu’il craigne davantage. Mais cela conduit d’autre part à un isolement étroit, à une conversation littéraire sans partenaire, qui nous accable d’autant plus que nous sortons de cinq années de solitude absolument complète. »

    couv-vestdijk.pngCes considérations n’enlè- vent rien à l’urgence du problème de la traduction d’œuvres parues dans une langue de peu de rayon- nement. En prenant comme base l’année 1952, l’on constate qu’aux États-Unis un seul livre néerlandais a pu atteindre le grand public : le Journal d’Anne Frank, paru comme pocket-book. Deux romans néerlandais ont eu une édition courante : The Great Ordeal, de Fabricius, et Joachim, de l’auteur flamand Marnix Gijsen. En Angleterre, au cours de la même année, a paru un livre de Jan de Hartog ; en France, un De Hartog également (Jan Wandelaar), et un Albert Helman. Ce n’est qu’en Allemagne qu’une vingtaine de romans néerlandais ont paru en traduction, dont six livres de Simon Vestdijk. Cette situation, plus satisfaisante ici qu’ailleurs, ne peut cependant être considérée comme la preuve d’un réel succès de la littérature néerlandaise dans ce pays, du fait qu’il ne s’agit que d’un très faible pourcentage d’œuvres traduites du néerlandais dans la masse de livres étrangers parus en Allemagne (30% de la production totale).

    Ces chiffres, empruntés à une étude  de G. Söteman sur le problème des  traductions (2), donnent peut-être une image trop sombre de la situation. L’auteur lui-même indique d’ailleurs que la littérature néerlandaise est loin  d’être absente dans le monde. En effet, un écrivain important comme Louis Couperus a été traduit soixante-dix fois ; Arthur van Schendel, vingt fois ; Frederik van Eeden, quarante fois ;  Johan Fabricius, cinquante fois ; Madelon Székely-Lulofs, trente fois ; Antoon Coolen, trente fois, etc.

    couv-coolen.pngIl n’en demeure pas moins vrai que l’importante contri- bution littéraire d’un Slauerhoff, d’une Clare Lennart, d’un Belcampo, d’une Carry van Bruggen, d’un Bordewijk, d’une Top Naeff, d’un Artur van Schendel ou d’un Simon Vestdijk, pour nous borner à quelques écrivains contem- porains « établis », mérite d’être enfin connue de l'étranger.

     

    N. H., « La littérature néerlandaise, un monde à explorer », d’Letzeburger Land, 16 juillet 1954, pp. 9 et 11

     

     

    (1) Alluvions et Nuages, éd. Querido, Amsterdam, 1947.

    (2) Article dans Maatstaf (juin 1954).

     


    Le romancier F. Bordewijk reçoit le Prix P.C. Hooft 1953 au château Muiderslot

     

     

     

     

     

  • Les visiteurs

    Pin it!

     

     

    Roman graphique de Guido van Driel

     

     

    Driel4.pngAmstellodamois né en 1962, Guido van Driel a fait des études d’histoire. Artiste autodidacte, il est illustrateur, bédéiste et cinéaste. Réalisés pour la plupart à l’acrylique sur papier noir, ses romans graphiques sont édités par la maison Oog & Blik.

    Basé sur lalbum Om mekaar in Dokkum (2004), son premier film De wederopstanding van een klootzak (La résurrection d’un connard) a été retenu en 2013 pour ouvrir le Festival international de Rotterdam. Depuis, Guido van Driel travaille à une adaptation de Toen we  van de Duitsers verloren (Le jour où les Allemands nous ont battus), album dans lequel il est question dune mort dramatique et de football. Des thèmes que lon retrouve dans son dernier roman graphique Gasten (2012), qui vient de paraître en français aux éditions L’agrume, sous le titre Les visiteurs. Le personnage central en est la ville dAmsterdam.

     

     

    Driel1.png

    format : 22 x 30 cm

    144 pages couleur

    traduction : D. Cunin

    20 euros

    ISBN : 979-10-90743-26-7

     

     

    entretiens (en néerlandais) avec Guido van Driel 

     

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

     

    guido van driel,éditions l'agrume,oog & blik,roman graphique,bd,pays-bas,footballSyd et Roger, deux supporters de l’équipe d’Angleterre de foot arrivent à la gare d’Amsterdam. À la différence des autres touristes, ils ne se rendent pas tout de suite au centre de la ville mais empruntent le bac pour gagner un autre quartier. Après une première canette de bière sur les rives de l’IJ, Syd dit à son ami : « C’est là qu’ils ont retrouvé son cadavre. » Il parle de son frère jumeau, mort noyé mystérieusement quelques mois plus tôt. Syd et Roger regagnent ensuite le centre de la ville pour une balade hallucinée et interlope, entre prostituées, champignons hallucinogènes et supporters de foot. Chemin faisant, Syd marche sur les pas de son frère décédé pour tenter de donner un sens à sa mort.

    Une sorte de quête existentielle qui restera vaine, et où, tous les événements que les personnages essaient de comprendre, semblent le fait du hasard…

     

    guido van driel, éditions l'agrume, oog & blik, roman graphique, bd, pays-bas, football

     

    guido van driel,éditions l'agrume,oog & blik,roman graphique,bd,pays-bas,football

     

     

    guido van driel,éditions l'agrume,oog & blik,roman graphique,bd,pays-bas,football

     

    guido van driel,éditions l'agrume,oog & blik,roman graphique,bd,pays-bas,football