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flandres-hollande - Page 29

  • « De Flandre »

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    Nouvelle collection

    aux éditions Tétras Lyre

     

     

    P. Bogaert, Passa Porta, 2014 (photo MHC)

    tétras lyre,liège,paul bogaert,els moors,traduction,poésie,kim andringa,la slalom soft,chants d'un cheval qui chavireLes éditions liégeoises Tétras Lyre lancent une nouvelle collection de poésie dédiée aux auteurs d’expression  néerlandaise, en particulier aux Flamands. Objectif affirmé : « lancer, en Fédération Wallonie-Bruxelles, un pont de passage et de dialogue entre deux communautés associées dans un même État fédéral ».

    En attendant une anthologie de l’œuvre de Charles Ducal, deux premiers recueils viennent de paraître : Chants d’un cheval qui chavire d’Els Moors et le Slalom soft de Paul Bogaert, dans une maquette de Mona Habibizadeh.

    Pour mettre la collection « De Flandre » sur de bons rails, Primaëlle Vertenœil et Gérald Purnelle se sont entourés de quelques connaisseurs en poésie flamande, à savoir Elke De Rijcke, Katelijne De Vuyst, Bart Vonck et Carl De Strycker.

     

     

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    Els Moors, Chants d’un cheval qui chavire,

    traduction Kim Andringa, postface Anneleen De Coux

     

     

    viens je dois entrer pieds nus

    dans la cerisaie

    qu’est ce monde

    et partager la récolte avec toi

     

    ce que tu veux cueillir le laisser

    reposer mûr dans tes mains

    jusqu’à ce que ça éclate

    comme par exemple

    ta bouche lubrique

     

    alors que je l’embrasse

    prenant l’empreinte

     

    de l’approche de la haute-saison

     


    Els Moors lit un de ses poèmes

     

     

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    Paul Bogaert, le Slalom soft,

     trad. Daniel Cunin et Paul Bogaert, postface Daniel Cunin

     

     

     

    Un cœur de maman, ça a des oreilles qui ne dorment jamais !

    Je veux dire

    un cœur de maman fait en toile de trampoline

    et en peau de chamois.

    Quiconque reproduit un cœur de maman

    et en mâche la copie une journée durant, hérite

    d’un poids démesuré.

    Quiconque hache la copie, quiconque la poêle menu,

    reçoit en retour de la fumée blanche

    en quantité et toutes les odeurs jusqu’à ce jour.

    Si l’on vient à détacher les agrafes

    d’un cœur de maman, il fait pop, il enfle,

    grossit, se fait bien trop gros, encombrant, tente

    pliée qui se démulplietiplie en un zeppelin

    lequel prend, effréné,

    une taille plus extrême encore et projette une ombre, ombre

    qui entend les enfants un à un, les suit sans bruit.

     

    extrait du poème « De là cet éclairage »

     

     

     sommaire du recueil le Slalom soft 

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  • « Voix poétiques de Flandre »

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    NUNC, n° 36, juin 2015

     

     

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    À l’occasion du Marché de la Poésie 2015 où la Belgique est l’hôte d’honneur, la revue Nunc consacre un cahier à quelques poètes flamands. Les voix flamandes franchissent non sans mal la frontière. Tout au plus le lecteur français sera-t-il en mesure de mentionner le nom de l’auteur du Chagrin des Belges, Hugo Claus. La tradition jacobine ayant fait son possible pour éradiquer le flamand de France, on en a oublié que l’un des principaux auteurs d’expression néerlandaise du temps de Louis XIV était un Dunkerquois, le dramaturge Michel de Swaen. Il est vrai que par la suite, les lettres de ces contrées septentrionales ont connu un déclin sans pareil qui s’explique notamment par la domination étrangère, la mainmise du français sur les élites ainsi que par la prédominance d’une société rurale plutôt pauvre, mosaïque de dialectes. Sans doute alors, ainsi que le formule un écrivain néerlandais, « le voyageur cultivé éprouvait-il une réelle déception en entendant le cul-terreux qu’il croisait dans les champs parler un dialecte bas francique occidental inintelligible ».

    Jos de Haes, Poèmes

    revue nunc,poètes flamands,belgique,marché de la poésie,littérature,flandreRayonnantes au Moyen Âge – il suffit de songer à Hadewijch et à Ruusbroec –, les lettres flamandes sont peu à peu parvenues à renaître de leurs cendres sous l’impulsion de deux figures, le romancier populaire de père français Henri Conscience (1812-1883) et le prêtre-poète Guido Gezelle (1830-1899). Liée consubstantiellement aux combats menés par le Mouvement flamand en faveur d’une reconnaissance de la culture autochtone, cette renaissance s’est poursuivie durant une bonne partie du XXe siècle. Si la prose a connu quelques sommets – on songe en particulier au grand ami de Maeterlinck Cyriel Buysse (1859-1932), au styliste hors pair Maurice Gilliams (1900-1982), au phénoménal Louis Paul Boon (1912-1979) et à Hugo Claus (1929-2008) –, la poésie n’a pas été en reste grâce en particulier à Paul van Ostaijen (1896-1928), Jos de Haes (1920-1974), Christine D’haen (1923-2009) ou encore Hubert van Herreweghen. Des recueils disponibles en traduction française donnent une petite idée de la diversité actuelle de cette poésie de Flandre (1). Bien des décennies après Charles Van Lerberghe, Max Elskamp, Georges Eekhoud, Émile Verhaeren, Georges Rodenbach et autres Maeterlinck, et quelques années après la disparition de Paul Willems et de Guy Vaes, rares sont encore les Flamands qui édifient une œuvre en français et non en néerlandais (on songe aux poètes Elke de Rijcke et Jan Baetens ainsi qu’aux romancières Françoise Mallet-Joris et Nicole Verschoore). (2)

    Christine D'haen

    revue nunc,poètes flamands,belgique,marché de la poésie,littérature,flandreLe cahier publié dans Nunc s’arrête sur quelques œuvres (Anton van Wilderode ; Christine D’haen ; Hubert van Herreweghen ;  Claude van de Berge ; Patrick Lateur) qui dénotent une certaine complicité entre écriture et démarche spirituelle. Elles se terminent, sous la plume de Peter Holvoet-Hanssen, par un hommage à Paul van Ostaijen, grand rénovateur de la poésie en Flandre.

    Autre poète de premier plan à l’honneur dans ce numéro de Nunc : Jean-Pierre Lemaire. Cet auteur qui a grandi en Flandre française se livre au fil d’une discussion avec la rédaction de la revue et fait l’objet de pages tout aussi bigarrées que remarquables de Cathia Chabre, Christophe Langlois, Yves Leclair… Le philosophe Bruno Latour se confie lui aussi dans un entretien et malmène bien des idées reçues (sur l’écologie, la théologie, etc.) tandis que Pascal Boulanger nous entraîne, à la suite de saint Augustin, loin des « dupeurs dupés » et des « bavards muets ». Les amateurs de séries télévisées (américaines) sont également à la fête : le cahier « Métaphysique en séries » ouvre en effet une réflexion sur la dimension existentielle de ces productions grand public. À lire aussi des poèmes, entre autres de Nicolas Waquet, ainsi que l’habituel « cahier critique ».

     

    Nunc, revue agonale, romantique, charnelle, spirituelle, musicale, littéraire, totale, explosive, organique, pérégrine, sensuelle, amoureuse, intérieure, silencieuse, religieuse, hospitalière...

     

     Jean-Pierre Lemaire

    revue nunc,poètes flamands,belgique,marché de la poésie,littérature,flandre(1) Entre autres des recueils (bilingues ou non) de Leonard Nolens, Hedwig Speliers, Paul Bogaert, Lut De Block, Els Moors, Paul Claes, Luuk Gruwez, Stefan Hertmans, Jan H. Mysjkin, Stefaan Van den Bremt, Miriam Van hee, Dirk van Bastelaere, Andy Fierens…

    (2) Autres auteurs flamands ayant choisi le français : André Baillon (1875-1932), Franz Hellens (1881-1972), Marie Gevers (1883-1975), Paul Neuhuys (1897-1974), Suzanne Lilar (1901-1992) Alain Germoz (1927-2013), Jacques Brel (1929-1978)… Auteurs flamands ayant écrit ou écrivant dans les deux langues : Cyriel Buysse (1859-1932), Caecilia Ameye (1879-1953), Clément Pansaers (1885-1922), Jean Ray (1887-1964), Paul-Gustave van Hecke (1887-1967), André de Ridder (1888-1961), Roger Avermaete (1893-1988), Paul van Ostaijen (1896-1928), Michel de Ghelderode (1898-1962), Rose Gronon (1901-1979), Michel Seuphor (1901-1999), Marc. Eemans (1907-1998), Remy de Muynck (1913-1979), Marie-Jo Gobron (1916-2008), Albert Bontridder (né en 1921), Jacqueline Ballman (1922-2000), Freddy de Vree (1939-2004), Henri-Floris Jespers (né en 1944), Jacques De Decker (né en 1945), Francis Cromphout (né en 1947), Frans de Haes (né en 1948), Herman Portocarero (né en 1952)…

     

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     Franck Réthoré, Encre sur papier, 2010

     

    Sommaire de Nunc, n° 36, juin 2015

    Liminaire 

    Réginald GaillardLéger frémissement au pays des revues

     

    Shekhina 

    Dossier Jean-Pierre Lemaire dirigé par Réginald Gaillard

    Nunc Entretien avec Jean-Pierre Lemaire

    Jean-Pierre Lemaire Deux poèmes inédits

    Jean-Marc Sourdillon Un silence traversé 

    Yves Leclair Première épître d’un disciple attardé à Nicodème

    Pierre Oster Désert

    Christophe Langlois Voir de loin ou brûler

    Pascal Boulanger Le cœur réceptacle

    Cathia Chabre Les traces inapparentes dans Figure humaine

    Pascal Boulanger Saint Augustin : « Refais tes forces et passe »

    Blandine Merle Jean-Pierre Lemaire : l’humilité en traverse

     

    Axis Mundi

    Nunc Entretien avec Bruno Latour

    Claude Tuduri Poèmes

    Thomas Sonnefraud Poèmes

     

    Cahier « Métaphysique en séries »

    Introduction par Franck Damour

    Pierre Dulau OZ

    Marc Rastoin Cold case (Affaires classées) et notre soif de justice

    Nicolas Waquet Poèmes

     

    Cahier « Voix poétiques de Flandre »

    Présentation, choix et traduction de Daniel Cunin avec des poèmes de : Anton van Wilderode ; Christine D’haen ; Hubert van Herreweghen ;  Claude van de Berge ; Patrick Lateur ; Peter Holvoet-Hanssen 

     

    Cahier critique

      

    Encres de Franck Réthoré

     


     

    Présentation en musique et images du recueil de Claude van de Berge

    De overblijfselen, Louvain, P., 2011

     

     

     

     

  • Rembrandt peint par Typex

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    Une bande dessinée hors norme

     

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    Typex, Rembrandt, trad. du néerlandais D. Cunin,

    Casterman, 2015, 264 p.

     

     

    LE MOT DE L’ÉDITEUR

     

    Rembrandt van Rijn (1606-1669) est un personnage complexe, à l’existence très riche et passionnante. Typex dépeint un Rembrandt bien à lui : fantasque, capricieux, vaniteux, arrogant, obtus, susceptible en même temps que touchant et attachant, voire digne de compassion. Un Rembrandt dépassé par son propre génie : qu’y peut-il s’il est plus brillant que les autres artistes ?

    En se jouant des codes habituels de la biographie, Typex donne un point de vue sans concession, mais non dénué de tendresse, sur l’homme, le mari, le père… et l’artiste. Ainsi que sur l’époque qu’il a traversée et si grandement influencée.

    Roman graphique relié en simili-cuir, tranches dorées, cahier de croquis et de notes expliquant le cheminement de l’auteur.

      

    « Quand la BD rend hommage à la peinture »

    chronique de François Angelier du 4 juin 2015

     

     

    Encore une biographie en bande dessinée ? Oui, mais celle consacrée au grand peintre néerlandais Rembrandt van Rijn (1606-1669), par le Néerlandais Typex, va faire date.

    L’imposant et luxueux ouvrage de près de 300 pages publié en français par Casterman, après des éditions en néerlandais, anglais, espagnol et hongrois, sinscrit dans la lignée des grands romans graphiques tels que Mauss (Art Spiegelman) ou Persepolis (Marjane Satrapi).

    Fruit de deux ans et demi de travail acharné, la bande dessinée, qui emprunte au maître du Siècle d’or son style clair-obscur, dépeint un Rembrandt fantasque, vaniteux, susceptible, couard, mais aussi touchant et forcément génial.

    La création, des premières toiles de jeunesse à Leyde aux ultimes autoportraits en passant par son œuvre la plus célèbre, la Ronde de nuit, est au cœur du récit mais n’efface pas les multiples déboires financiers du peintre, ses aventures sentimentales et les drames qui ont scandé sa vie et influencé sa manière de peindre le monde.

    source : rtbf.be

     

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    Le côté obscur de Rembrandt raconté

    dans une bande dessinée

     

    Une bande dessinée jette une lumière nouvelle, souvent méconnue, sur la vie du peintre néerlandais Rembrandt. Elle raconte sans tabous les périodes sombres, avinées et érotiques de la vie de ce maître né aux Pays-Bas en 1606. Rembrandt est signé de l’artiste Typex, que le musicien Nick Cave place aux nues. L’ouvrage lui a pris deux ans et demi de travail acharné.

    typex,rembrandt,bande dessinée,peinture,pays-bas,néerlandais,traduction,castermanRembrandt est dépeint au fil des cases et des bulles comme un homme infidèle, obsédé et acariâtre, qui vendait son art aux bourgeois et aux aristocrates néerlandais qui dépensaient dans l’art leurs fortunes assidument gagnées grâce au commerce extérieur.

    « L’art de qualité, c’est un bon investissement », explique ainsi à Rembrandt Hendrick van Uylenburgh, un marchand d’art qui laida à lancer sa carrière.  « Sans compter quon en tire prestige et crédit. »

     

    Une BD composée à partir d’anecdotes

    Typex, 50 ans, que le chanteur australien Nick Cave décrit comme « le second meilleur artiste néerlandais de tous les temps après Rembrandt », a dessiné et écrit le livre « en accomplissant le travail de cinq années en deux ans et demi », travaillant 14 heures par jour, un rythme effréné qu’aurait certainement apprécié Rembrandt, lui-même vraie bête de somme.

    « J’ai lu une série de livres sur Rembrandt, pris de nombreuses notes, mis les livres de côté et me suis mis au travail, explique l’artiste. Il y a beaucoup de choses qu’on ignore au sujet de Rembrandt. Ce qu’on connaît, ce sont les document officiels, les actes de propriété, de mariage, de décès », ajoute-t-il.

    Typex a voulu composer son livre à partir d’anecdotes, mais celles-ci s’inscrivent dans un cadre historique exact et apportent un nouvel éclairage sur la production artistique de Rembrandt, qui s’assombrit au fur et à mesure de ses autoportraits. 

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    Une vie tragique

    Une obscurité qui lui coûtera des clients : « Tu n’es plus rémunéré pour ton travail », se lamente Hendrickje Stoffels, alors amante de Rembrandt et qui deviendra son épouse au regard de la loi. « Des autoportraits, que des autoportraits, je suis vraiment inquiète. » Son épouse, ses maîtresses, ses enfants et même ses concurrents artistiques finiront par mourir, et l’artiste deviendra irrévocablement irascible.

    typex,rembrandt,bande dessinée,peinture,pays-bas,néerlandais,traduction,castermanSa vie est empreinte de tragédie, « quasiment tous ceux qui l’entouraient sont morts, c'était comme cela à l'époque, affirme Typex. Mais je ne voulais pas faire un livre uniquement triste ».

    L’auteur adopte ainsi un parti pris littéraire au moment de narrer la fin douloureuse de l’épouse du peintre : « Je l’ai racontée du point de vue du rat qui apporte la peste et pour lui, ce n’est pas du tout un évènement triste. Il reçoit de la nourriture et il vit en fait les meilleurs moments de sa vie », assure Typex.

     

    Un peintre sans compromis

    Ami et rival de Rembrandt, le peintre Jan Lievens, plus populaire que Rembrandt lui-même au cours des années 1660, surgit régulièrement au détour des pages : « Ce sont les années soixante, les gens sont gâtés. Le client est roi. Du moins, c’est ce qu’ils pensent », assure ce peintre, qui, lui, a gravi l’échelle sociale.

    typex,rembrandt,bande dessinée,peinture,pays-bas,néerlandais,traduction,castermanCherchant à entrer en contact avec le maître des autoportraits, le grand-duc florentin Cosme de Médicis arrive au détour d’une case à Amsterdam et on le voir qui cherche à emmener dans un endroit discret quelques jeunes filles peu farouches. Ce qui provoque chez Rembrandt une réaction virulente : « Dites-lui qu’il s’adresse, pour des tableaux de femmes appétissantes et aux belles couleurs, au marchand au coin de la rue et pas à moi. Et à présent, tout le monde dehors ! Dé-ga-gez ! Capice ? Arrivederci ! », s’exclame un Rembrandt au bord de la crise d’apoplexie.

    Pour Typex, Rembrandt était un homme « difficile et obsédé » : « La vie aurait pu être tellement plus facile pour lui s’il s’était un peu contenu, accommodé des goûts des riches. Mais il n’était pas assez sociable pour ça », assure-t-il.

    Culturebox (avec AFP) @Culturebox, 14 mai 2013

      

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    Plus Rembrandt est admiré, plus les puissants lui passent commande, et plus il renâcle à jouer le jeu de cette renommée. C’est que plus le génie de l’artiste est reconnu (mais aussi controversé), plus l’homme apparaît complexe, fantasque et arrogant, difficile ou aux abois. Pour le dessinateur néerlandais Raymond Koot, alias Typex, ce sont ces aspérités qui comptent, et la façon dont elles ont pu décourager tout le monde, y compris ses amis, et braquer la société hollandaise, bourgeoise et puritaine, de son temps. Typex met en scène l’insaisissable Rembrandt Harmenszoon van Rijn (1606-1669) en onze séquences disjointes : il élabore ainsi un brillant portrait kaléidoscopique, mouvant, charnel, électrisé par tout ce que le peintre a vécu d’emballements et de désillusions, avec ses femmes, Saskia, Geertje, Hendrickje, dans tous les rôles, épouses, mères, modèles, concubines ; et l’argent qu’il dépense à tout-va avant d’être obligé de vendre jusqu’à la tombe de sa première épouse, et de voir dispersés aux enchères tous ses biens. Typex s’en tient aux faits, zones d’ombre et contradictions incluses, mais s’approche d’autant plus près de Rembrandt qu’il recrée son univers quotidien avec une grande liberté de style. Le trait surjoue le réalisme un peu décalé pour mieux appuyer le grotesque, la truculence ou le ridicule d’une situation. Il s’évade en apartés qui prolongent et commentent celle-ci comme des gammes de pur mouvement : le dessin pour le dessin, et pour le plaisir de rendre hommage au maître... Typex est un biographe fasciné, mais sans déférence, inventif, stimulant. Jusqu’au finale qui diffuse une mélancolie poignante. Un « salut l’artiste » superbe.

    Jean-Claude Loiseau, Télérama, n° 3410, 23 mai 2015 

     



     Rembrandt by himself

     

    Lire aussi : « Rembrandt retouché au Typex »,

    Casemate, n° 81, mai 2015, p. 38-43.

      


     

    Typex dessine Rembrandt - trailer du documentaire (2013)

    documentaire complet

     

     

  • Peloton fantôme

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    Le Tour de France à Utrecht

      

    TheRider-Krabbé.pngLa petite reine règne toute l’année sur les terres septentrionales. La littérature néerlandaise reflète cette passion. En témoignent par exemple les romans De renner (Le Coureur, annoncé en traduction française) de Tim Krabbé, Mont Ventoux de Bert Wagendorp (adapté ce printemps au cinéma) et De beklimming van de Mont Ventoux (L’Ascension du Mont Ventoux) de Jos Vandeloo. Depuis qu’il a pris sa retraite sportive, Peter Winnen, double vainqueur à l’Alpe d’Huez, a enfourché la plume et publié plusieurs ouvrages sur le vélo. Les poètes ne sont pas en reste. Plusieurs anthologies regroupent les vers dédiés à la bicyclette par des poètes flamands et  néerlandais plus ou moins renommés.

    À l’occasion du départ de l’édition 2015 du Tour, les éditions Magonia publient un recueil de 13 poèmes qui correspondent aux 13 kilomètres du prologue. Treize poètes d’Utrecht ont collaboré à cette édition trilingue (néerlandais, anglais, français). C’est Ingmar Heytze qui lance la course en se présentant sur la ligne de départ :

     

     

    Vers le départ

     

     

    Allez, je l’enfourche encore une fois.

    Je fiche ma fourche dans la terre,

    avale une gorgée de vin du cru

    et gagne tranquillement le départ.

     

    S’entraîner : tout aussi peu sportif

    que les dérailleurs. Moi, je m’appuie

    sur mes seules jambes. Je mesure

    les forces en présence, ni moins,

     

    ni plus. Une course contre

    les éléments, rues semées de tessons,

    pédaler de nuit et des barricades,

     

    non pas des calculs scientifiques

    et aérospatiaux de tarabiscotos.

    Je prends le départ un bon siècle trop tard.

      

    Ingmar Heytze

     

     

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    Peloton fantôme (traduction de Schaduwpeloton), Utrecht, Magonia, 2015 (recueil trilingue publié à l’occasion du départ du Tour de France 2015 donné à Utrecht - 13 poèmes de Ruben van Gogh, Els van Stalborch, Alexis de Roode, Ingmar Heytze, Mark Boog, Fred Penninga, Peter Knipmeijer, Baban Kirkuki, Peter Drehmanns, Onno Kosters, Nanne Nauta, Vrouwkje Tuinman et Jan van der Haar, traduction anglaise : Michele Hutchison, traduction française : Daniel Cunin).

     


    La Houppa - On Tourne Autour du Tour (1938)

     

    Dries Roelvink - De Tour de France

     

    Georges Gosset (chant) & Jo Privat (accordéon) - Tour de France (1949)

     

     

  • Hadewijch selon François Closset

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    La « poignardée » de l’amour divin

     


    l’ensemble graindelavoix chante le Chant 16 de Hadewijch

     

     

     F. Closset & A. Manteau, 1938

    Hadewijch, François Closset, Angèle Manteau, littérature flamande, Moyen Âge, traductionWallon, François Closset (1900-1964) a consacré une grande partie de sa vie à défendre la langue et la littérature néerlandaises. Spécialiste de didactique (il est l’auteur d’une assez célèbre Didactique des langues vivantes), professeur dans l’enseignement secondaire puis à l’Université de Liège, il a trouvé le temps de rédiger nombre d’études et de recensions, tant en français qu’en néerlandais et en anglais, sur des écrivains flamands et hollandais*. Il a par ailleurs laissé une œuvre de traducteur**.  Sa profession, l’amitié qu’il a su entretenir avec quelques auteurs et la complicité que lui et son épouse ont nourri lui ont permis de mettre en avant quelques-uns de ses sujets de prédilection. En 1936, il épouse Angèle Manteau (1911-2008), fille d’un industriel français, qui va devenir la plus grande éditrice de littérature flamande du XXe siècle. Grâce à ce couple, maints projets vont prendre forme. Fr. Closset a fortement influencé sa femme dans ses choix éditoriaux tout en s’appuyant sur les structures qu’elle dirigeait (les éditions Manteau et Lumière) pour publier quelques-uns de ses travaux. Franc-maçon, il a favorisé la parution d’ouvrages de ses coreligionnaires sans pour autant négliger les belles heures que connurent les Flandres au Moyen Âge.

     

    Hadewijch, François Closset, Angèle Manteau, littérature flamande, Moyen Âge, traduction* Mentionnons : « Raymond Herreman. Critique-moraliste », Album René Verdeyen, Bruxelles/La Haye, 1943 ; «  Herwig Hensen, poète et dramaturge flamand », Synthèses, n° 86, Bruxelles, 1953 ;  « Les lettres flamandes », Reine Victoria - Roi Léopold 1er et leur temps, Bruxelles, 1953 ; un texte sur Herman Teirlinck (Université de Liège, 1954) ; dans la Revue des langues vivantes / Tijdschrift voor Levende Talen, qu’il a dirigée, un article sur H. Marsman, Menno ter Braak et E. du Perron (1940), d’autres sur August Vermeylen (1955), Arthur van Schendel (vol. 22, 1956, p. 439-450), Cyriel Buysse (vol. 25, 1959, p. 411-416), J. Slauerhoff (1961, p. 404-415), Louis Couperus (vol. 29, n° 3, 1963, p. 195-206), Richard Minne (vol. 27, n° 6, 1961, p. 467-477),  le poète Dèr Mouw (1962, p. 235-239), Menno ter Braak (vol. 28, n° 1, 1962, p. 22-32), Anton van Duinkerken (vol. 29, n° 1, 1963, p. 76-79), Albert Helman (vol. 29, n° 1, 1963, p. 579-581)… En langue française, sous forme de volume : Esquisse des littératures de langue néerlandaise (1941), Aspects et figures de la littérature flamande (1943),  La Littérature flamande du Moyen Âge (1946), Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge (1949, rééd. 1956), Aspects et figures de la littérature néerlandaise depuis 1880 (1957), ainsi qu’un Dictionnaire des littérateurs, en collaboration avec Raymond Herreman et Etienne Vauthier (1946).

    Herwig Hensen par Fr. Closset, 1965

    Hadewijch, François Closset, Angèle Manteau, littérature flamande, Moyen Âge, traduction** Herwig Hensen, Théâtre : Lady Godiva, Alceste, Agamemnon, Bruxelles, Lumière, 1953 ; du même auteur un Choix de poèmes, Bruxelles, Lumière, 1962 ; Simon Vestdijk, L’Ami brun, Bruxelles, Lumière, 1959 ; Maurice Roelants, Le Joueur de jazz, Bruxelles, Ad. Goemans, 1962 (repris dans : Nouvelles néerlandaises des Flandres et des Pays-Bas, préface de Victor E. van Vriesland, traductions de Tylia Caren, François Closset, Denis Marion, Lode Roelandt et Liliane Wouters, Paris, Seghers, « Collection Unesco d’auteurs contemporains. Série européenne », 1965). Et bien entendu les 200 pages de traduction que renferment les  Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge.

     

     

    Hadewijch, François Closset, Angèle Manteau, littérature flamande, Moyen Âge, traduction

     

    Extrait de

    Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge

      

    La poésie amoureuse et religieuse en flamand est un des plus beaux titres de gloire de la littérature des Pays-Bas méridionaux. Elle trouvera son expression la plus pure et la plus ardente dans l’œuvre de Hadewych.

    On connaît peu de choses de la vie de cette poétesse ; mais son œuvre est parvenue jusqu’à nous, et c’est ce qui compte.

    l’édition la plus récente des Chants de Hadewijch

    hadewijch,françois closset,angèle manteau,littérature flamande,moyen Âge,traductionSes Strophische Gedichten (Poèmes strophiques) groupent quarante-cinq poèmes de plusieurs strophes ; ils expriment le drame de cette âme crucifiée, la violence de sa passion pour l’Amant céleste, la fierté que lui donne sa lutte pour l’Amour divin qui finira par la vaincre. Hadewych célèbre en des vers ardents la passion ascétique ; car « ceux à qui l’Amour divin impose ses douces violences débordent de gratitude », et si l’Aimé prend quelquefois « un cruel plaisir à percer le cœur de ceux qui [1e] couvrent sans cesse de leurs baisers », il est cependant « digne de toutes les louanges ». À travers ses prières, ses méditations, on sent battre le cœur d’une femme qui se défend contre les tentations terrestres. Elle évoque les félicités du ciel et se prosterne humblement devant la Trinité. Elle est humble souvent, parfois exaltée. Ses vers dénotent une forte personnalité ; ils sont riches de sentiment, souvent d’une forme parfaite, bien rythmés, mélodieux. Par son verbe et par le mouvement de la phrase lyrique, Hadewych diffère peu des poètes profanes.

    Visions, trad. J.-B. Porion, Œil/F.- X. de Guibert, 1990

    hadewijch,françois closset,angèle manteau,littérature flamande,moyen Âge,traductionSes Visioenen, ses visions traduisent peut-être d’une façon plus complète encore l’ascension de l’esprit et son accueil par Dieu qui est Amour. Bien qu’écrites en prose, elles dépassent en intensité les Gedichten.

    Les Brieven, les lettres de Hadewych traitent de différents sujets de la vie mystique. Elles se distinguent par la profondeur de la pensée et par la richesse étonnante du style. Elles s’inspirent d’un mysticisme assez empirique, sans bannir tout élément métaphysique.

    On résume ainsi le mysticisme de cette « poignardée » de l’amour divin :

    L’âme est pour Hadewych une substance visible à Dieu et dans laquelle Dieu se reflète. Dieu est omniprésent : Il est la bonté se répandant dans toute richesse, Il est l’Unique englobant tout ce qu’il y a de bon. Partant de l’idée de la Trinité, créée à Son image et à Sa ressemblance, créée donc d’après l’amour qui est Dieu dans sa substance, l’âme aspire à l’union avec le Créateur et avec l’Amour. C’est dans la pleine jouissance de l’Amour que débute sur terre la vie éternelle : devenir un Dieu puissant et juste en jouissant de l’Amour. Il n’existe plus de vertus particulières dès que l’Amour a établi de la sorte sa domination sur l’âme humaine : elles font toutes semblablement partie de la puissance de Dieu comme les trois personnes sont un Dieu. Le principe de la Trinité est une des idées de base de la pensée mystique de Hadewych, tout comme elle le sera plus tard chez Ruusbroec. Dans ses Visions, elle place, devant la croix, le trône de l’Éternité et trois colonnes symbolisant les trois personnes de la Trinité : « Et je me détournai et j’aperçus une croix debout devant moi, pareille au cristal, plus claire et plus blanche que le cristal ; à travers elle, on pouvait voir au loin. Devant cette croix je vis un siège pareil à un disque, plus brillant à la vue que le soleil dans tout son éclat… Et au centre sous ce disque tournait une roue si rapide que le ciel et la terre avaient lieu de s’étonner et de craindre… » N’empêche qu’elle s’adresse parfois à l’amant céleste et coquetant. Elle énumère alors les conditions auxquelles son âme se laissera embrasser par Lui et Lui hadewijch,françois closset,angèle manteau,littérature flamande,moyen Âge,traductiondonnera « le plus doux des baisers ». Et comme ce Dieu qu’elle aime est composé de trois personnes, elle souhaite le baiser mystique du Père avec l’autorisation du Fils. Elle s’écrie : « Je le dirai d’abord à mon doux Ami [Jésus] avant de vous donner ce baiser, car sans Lui je ne puis me permettre de tels baisers… » Son affection va surtout au Fils, car elle précise : « J’étais presque évanouie sous les baisers du Fils, et quasi morte de son amour… » Mais plus mesurée en général, elle considère que l’Amour le plus total implique la vie la plus complète avec Dieu et avec les hommes. La pratique de l’ascétisme est nécessaire. Et c’est le Christ dans Son humanité qui doit servir d’exemple. Comme Lui, l’homme doit conquérir l’Amour parfait, fixer toute son attention sur Dieu et ne rien voir d’autre, n’accepter aucune consolation que de Lui. Dieu doit vivre profondément en nous. Celui qui aime Dieu, aime ses propres œuvres, les nobles vertus. Et voici la pierre de touche de tout véritable amour : ce n’est pas quand on se sent doucement attiré vers Dieu qu’on l’aime le plus parfaitement. L’homme doit vivre les vertus et s’enraciner dans la charité. L’exercice de la vertu par amour de Dieu est un point cardinal dans l’ascèse de Hadewych. Tout élément intellectuel n’est pas banni de sa conception mystique. Au contraire, la poétesse insiste à différentes reprises sur le fait que l’homme devrait se laisser guider par la raison dans l’exercice des vertus. L’âme a deux yeux : minne et redene. La raison guide la lente ascension depuis la faiblesse jusqu’à la vraie vie vertueuse, pour aboutir à Dieu. Et c’est la Foi qui donne fermeté et durée à l’Amour. Les œuvres et la Foi doivent précéder l’Amour. C’est alors qu’il deviendra le plus ardent. De la collaboration de ces deux forces naît une œuvre plus haute : la raison s’empare de l’ardeur de l’Amour. L’Amour se laisse dominer et guider dans les limites de la raison. Mais c’est l’Amour qui triomphe en dernière analyse, car seul il a accès au domaine mystérieux où la sagesse ne peut pénétrer, pour connaître Celui qui ne peut être connu que par l’Amour. À ce sommet l’Amour trouve sa simplicité, et c’est d’elle que découlent toutes les vertus : piété, charité, sagesse qui règnent sur tous, même sur les puissants de la terre. C’est cet abandon complet à l’Amour de Dieu qui permet d’endurer hadewijch,françois closset,angèle manteau,littérature flamande,moyen Âge,traductiontoutes les souffrances et toutes les peines terrestres, les jeûnes, les veilles et autres œuvres : la plus haute liberté consiste à être au-dessus des liens terrestres qui empêchent de s’abîmer complètement dans l’Amour. Et c’est l’amour de ce qu’il y a de plus haut qui nous libère. Il procure aussi la souffrance supérieure qui résulte du regret de ne pas avoir atteint la perfection.

    Hadewych représente un des plus parfaits moments de l’art thiois. Son œuvre, écrite dans une langue qui n’est pas loin d’atteindre à la perfection, reflète sa grandeur d’âme, sa compréhension de l’univers et du divin, la complexité d’une vie intérieure qui s’alimente à l’âme et aux sens, à la raison et au sentiment, à la joie et à la tristesse, au ciel et à la terre, pour s’épanouir en une parfaite et vivante unité.

     

    Joyaux de la littérature flamande du Moyen Âge

    présentés & traduits par Fr. Closset

    Bruxelles, Les éditions Lumière/A. Manteau, p. 16-19.

     

     (couverture non légendée : Les Visions

    éd. et trad. G. Épiney-Burgard, Ad Solem, 2000)

     

     

    Hadewijch, François Closset, Angèle Manteau, littérature flamande, Moyen Âge, traduction

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    Jacqueline Kelen parle de Hadewijch