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Traduits en portugais par Mila Vidal Paletti, à l’initiative de José Melo (président du Círculo de Cultura Portuguesa na Holanda), des poèmes de J. Slauerhoff ont été chantés par Cristina Branco (musique : Custódio Castelo). Le CD Cristina Branco canta Slauerhoff (Harmonia Mundi, 2000, avec le poème « O Engeitado » lu par Cees Nooteboom) comprend les poèmes suivants : « De eenzamen » (Os solitários), « De ontdekker » (O descobridor), « Verlangen » (Aspiração), « Vida triste » (Vida triste), « Voor de verre prinses » (A uma princesa distante), « Fado » (Fado), « Angústia » (Angústia), « Saudade » (Saudade), « O engeitado » (O engeitado).
En 2002, le disque a été réédité – avec trois nouveaux morceaux : « Aankomst » (Chegada), « De vrouw aan het venster » (Mulher à janela) et « O Enjeitado II » –, sous le titre O Descobridor.
« Vida triste » est à l’origine une traduction faite par le Néerlandais d’un poème portugais. L’écrivain a séjourné à plusieurs reprises au Portugal ainsi qu’à Macao. Ses romans Le Royaume interdit et La Vie sur terre mettent en scène la figure de Camoens. Une de ses nouvelles, publiée dans le même recueil que L’amphore et encore inédite en français, s’intitule Dernière apparition de Camoens (1935).
Le recueil poeti d’Europa, publié cet été par l’Istituto Italiano di Cultura de Paris, offre à lire deux auteurs d’expression néerlandaise : Nachoem Wijnberg (le poème Emprunter aux Grecs, traduction française de Kim Andringa) et Les porteurs du Flamand Peter Holvoet-Hanssen. Ce dernier va donner à l’automne un nouveau roman : Zoutkrabber Expedities et publier (en collaboration) Miavoye, un livre en hommage à Paul van Ostaijen. C’est d’ailleurs à ce poète, mort de tuberculose à 32 ans, que sont dédiés les vers qui suivent.
De dragers
de kist wiegt en de wolken schouderen het licht
dat in de velden graast, een loden hemelboog
‘wie sterft vervloeit als verf,’ klinkt nuchter aan Gods Toog
‘een vader die een voorhoofd kust, mijn vergezicht’
de Grote Nar die voor de zwarte toetsen zwicht
in ʼt Land van Music-Hall, klimop spiraalt omhoog
en op het kruis een kraai, blikt met een mensenoog
een moeder vindt haar kind: gedichten schreef het wicht
laat schouwen roken, doof geen vuur in stervensnood
drie duiven op het puntdak horen feestgeruis
‘een woordenschilder tekent met een flinke poot’
diep in het bos het bronwellen en windgesuis
de oude beuk moet wachten op het bladerrood
en niemand niemand zingt ‘we gaan nog niet naar huis’
… Je suis né à proximité de ces canaux et ces nuages,
De ces bourgs aux rues parfaitement peintes ;
Je porte dans mon cœur rues, blés mouvants et dunes.
J’ai l’esprit conforme à ces plaines sans défaut ;
- Rien que des toits éclatants, çà et là, un vent fort,
Une pensée raisonneuse pour la terre infinie.
J’éprouve le désir des arbres vers la mer,
J’ai le doute et le scrupule des canaux,
Mon affection n’a de repos que sur le clair horizon.
Je suis ton enfant – Flandre étale et grasse.
Ne m’oublie pas, car désormais je demeure tourné vers toi –
Et toi, Verhaeren, chanteur et vieil homme,
Dont la force de Flamand et la pensée d’Européen
Fraternellement sont blessées jusqu’à la mort,
Je te fais signe et comme un de tes enfants,
Je me range à tes côtés sans en dire davantage.
P. J. Jouve
Pierre Jean Jouve (Arras 1887 – Paris 1876), a renié la première partie de son œuvre, y compris poème contre le grand crime paru à Genève en 1916 (éditions de la revue Demain) et dont seuls des passages ont été re- produits depuis. L’extrait cité ci-dessus figure, à côté d’autres (publiés avec l’autorisation de Cathe- rine Jouve), dans la magnifique fresque poético-autobiographique de Jacques Darras, Je sors enfin du Bois de la Gruerie, Arfuyen, 2014, p. 81.
Le recueil pacifiste de Jouve contient quatre poèmes : « Au soldat tué », « À la Belgique », « Chant de l’Hôpital », « Tolstoy », et présente sur le titre une grande composition macabre du peintre et verrier Edmond Bille (1878-1959), reprise en couverture. Retourné en Suisse pour raison de santé – il s’était engagé en 1914 pour servir comme infirmier à l’hôpital de Poitiers où l’on soignait des soldats atteints de maladies infectieuses –, Jouve s’affirme comme pacifiste. Poème contre le grand crime poursuit cet engagement amorcé avec Vous êtes des Hommes (1915). « Jouve s’insère dans la communauté des militants pacifistes installés en Suisse et dont Romain Rolland est considéré comme l’âme. Pendant toute la guerre, Jouve va être très actif, à la fois comme écrivain, comme journaliste et comme militant. Jouve et Romain Rolland deviennent réellement amis. Jouve continue à lire Tolstoï. Comme à Poitiers, il s’engage en tant qu’infirmier volontaire à l’hôpital militaire de Montana. Il est très apprécié des soldats malades pour son dévouement. Mais son activité de militant pacifiste est connue et il est interdit de présence à l’hôpital par la hiérarchie militaire. » (source). C’est au sein de ces cercles pacifistes qu’il côtoiera le Flamand Frans Masereel, lequel illustrera plusieurs de ses livres.
P. J. Jouve, portrait gravé par F. Masereel pour Prière, 1924
Dans Romain Rolland vivant 1914-1919 (1920), Pierre Jean Jouve évoque à nouveau la Belgique et Verhaeren : « Il est à peu près établi pour lui [Romain Rolland] que le gouvernement allemand, aux premières heures de la guerre, joua le plus mauvais rôle. Le crime de la Belgique violée par le Haut Commandement et diffamée ensuite par la diplomatie, ne peut se justifier en aucun temps. Il se retourna d’ailleurs contre son auteur ; car il détermina toute une série de réalités et de fictions tendant à désigner l’Allemagne comme l’agresseur unique et le peuple criminel. Mais les crimes les plus certains et les responsabilités effectives de l’Allemagne n’innocentent pas ses adversaires. […] Quand l’Académie Suédoise laisse entrevoir (à la fin de 1915), son intention de décerner le Prix Nobel de Littérature à Romain Rolland, écrivain français, c’est un tollé dans la presse parisienne ; les injures remontent d’un ton ; on ne craint même pas de jouer du noble et bon Verhaeren, qui n’a pas cessé d’aimer et d’estimer Romain Rolland, d’injurier Rolland à l’aide de Verhaeren. On parle de ‘‘Judas et les trente deniers’’. Ce qui était, remarquons-le, aussi infamant à l’endroit de l’Académie Suédoise qu’abject à l’égard d’un des écrivains les plus désintéressés de notre littérature. La distribution du prix est différée. Mais l’année suivante (novembre 1916) le prix est réellement offert à Romain Rolland, et à la France la meilleure qu’il représente. Il se fait un demi-silence, par ordre ; le système de l’étouffement officiel et du boycottage commercial commence, avec des actions plus souterraines. » (p. 101 et 240-241)
Jacques Marx, Verhaeren, biographie d’une œuvre, ARLLFB, 1996
« Guy Vaes (1927-2012) fut longtemps l’auteur d’un livre, qui se nimba bientôt d’une aura mythique : Octobre, long dimanche. Il parut en 1956, l’auteur avait trente ans. Il y avait été préparé par une enfance et une jeunesse dans le milieu des intellectuels francophones d’Anvers […] Très lettré, Vaes était collaborateur de la revue Lumière dirigée par son beau-frère Roger Avermaete. Le fils de ce dernier, devenu sous le nom d’Alain Germoz homme de lettres et journaliste, deviendra l’ami et complice de toujours de son cousin. […] L’exode, puis l’occupation, sont une nouvelle occasion de se gaver de lectures : Kafka, Woolf, Melville, Faulkner, qui fourniront plus tard la matière d’analyse d’un superbe essai sur le temps, La flèche de Zénon. Une certaine conception d’un présent absolu s’y précise, que l’on suit comme un fil d'Ariane dans les romans.
[…] Les besognes alimentaires, en l’occurrence journalistiques, l’empêchant de se consacrer en suffisance à l’écriture, la photographie va, durant plus de vingt ans, compenser le manque. Londres en est le point focal : un livre de méditation urbaine, Londres ou le labyrinthe brisé va être complété par un album où textes et clichés alternent, Les cimetières de Londres.
En 1983 paraît enfin le deuxième roman, L’Envers, et le flux fictionnel repart pour de bon avec ce livre qui sera couronné la même année par le prix Rossel. […] Le tempo de parution des romans, dès lors, s’accélère relativement. L’Usurpateur paraît en 1993 avec une préface de l’auteur flamand Hubert Lampo, qui suggère de qualifier le réalisme pratiqué par Vaes non pas de magique, comme on le fait d’ordinaire, mais plutôt de mythique : le roman de s’inspire-t-il pas du labyrinthe et de son Minotaure ? » (source : arllfb)
Le poème « Amsterdam » reproduit ci-dessous est emprunté au recueil Échanges poétiques, Anvers, Librairie des Arts, 1962 – Prix Auguste Michot 1963 –, qui réunit des vers d’Alain Germoz (1920-2013), Robert Havenith, Paul Neuhuys, Saint-Rémy, Étienne Schoonhoven et Guy Vaes – autrement dit un recueil d’Anversois d’expres- sion française. L’ensemble est préfacé par Pierre de Lescure et rehaussé d’un dessin à l’encre de Chine de Rik Wouters, L’Artiste et sa compagne. Écoutons des bribes du salut de Pierre de Lescure, auteur entre autres d’un Souviens-toi d’une auberge (1937), roman des Flandres (l’éditeur a exercé une critique constructive sur la prose de Vaes dans les années cinquante ; c’est lui qui, chez Plon, a publié Octobre, long dimanche) : « Ma Flamande, c’est une ville où je suis arrivé, souvent, pour y chercher, sans bien le savoir, le printemps qui viendrait. Parfois, en plein hiver, quand il pleut sur l’Escaut et que le ciel reste cendré. Où que je sois, même à l’intérieur d’une maison, je reconnais le souffle du printemps. Comment appeler autrement le petit bonheur qui, à Anvers, me saisit en toutes saisons ? […] C’est une ville de Flandre pleine de tout le Nord qui existe en moi. Mais Anvers, ai-je connu son espace invisible, sa musique illimitée, lorsqu’un matin de septembre, je l’ai regardée, et, là, vivaient cette fraîcheur d’aube embrumée, ce parfum des jeunes troncs lisses chargés sur les péniches, l’inexprimable mystère d’une ville faite de pierres et d’eau, et que j’appelle, aujourd’hui, la venue d’un printemps ? Ce printemps, ce perpétuel commencement anversois, cette déchirure de la nuit, cette vibration blonde d’une femme se reflètent-ils dans le miroir des poèmes de ce recueil ? »
Guillaume van der Graft (pseudonyme de Willem Barnard, Rotterdam 1920 – Utrecht 2010) est un poète et prosateur néerlandais. Auteur d’une bonne trentaine de recueils, il a réuni, au crépuscule de son existence, environ 300 de ses poèmes dans Praten tegen langzaam water. Gedichten 1942-2007. Een keuze (Parler à l’eau lente. Poèmes 1942-2007. Un choix, éd. de Prom, 2007, avec CD). De même, il a opéré une sélection parmi les milliers de pages de son Journal : Een dubbeltje op zijn kant. Dagboeken 1945-1978 (2005) et Anno Domini. Dagboeken 1978-1992 (2004), puis, en 2009 : Een zon diep in de nacht. De Verzamelde Dagboeken 1945-2005 (Un soleil tout au fond de la nuit. Journaux 1945-2005). Issu d’un milieu modeste, il a fait des études de littérature et de théologie. Pasteur de l’Église réformée néerlandaise (Nederlandse Hervormde Kerk) jusqu’en 1975, il a contribué à l’établissement de l’édition du Liedboek voor de Kerken (1973) et publié des études relevant de son ministère et plus largement de sa soif de saisir l'indicible.
Parallèlement, il n’a cessé d’édifier son œuvre littéraire, collaborant à diverses revues, publiant quelques pièces de théâtre ou encore le compte rendu de ses voyages en Angleterre, pays qu'il ché- rissait particulièrement: Papier als reisgenoot (Papier, compagnon de route, 1975). La théologie et la mythologie occupent une place prépondérante dans sa production poétique de même, d’ailleurs, que la sensualité ou encore le thème de l’écriture. Le volume Verzameld vertoog (1989) rassemble une bonne part de ses études et réflexions. Des ouvrages comme Stille omgang (1992), qui propose une méditation très personnelle sur la Bible, et Orthodox of niks (Orthodoxe ou rien, 2008), ainsi que divers essais sur la poésie, concilient fibre artistique et curiosité de l’homme religieux après que Willem Barnard fut devenu membre de l’Église vieille-catholique.
Guillaume van der Graft était le père de l’écrivain Benno Barnard.
Dit schrijf ik onderweg
gaandeweg onderweg naar een ergens
zo elders dat het ook wel nergens wordt genoemd
uitersten gaan elkaar vinden,
zenit en nadir, noord nadert zuid
en de voorraad wereld vermindert
ik heb niet geschreven wat ik weet
wat ik niet wist heb ik geschreven.
Ceci je l’écris chemin faisant
peu à peu en chemin vers un quelque part
tellement autre part qu’on l’appelle parfois nulle part
les extrêmes vont se toucher,
zénith et nadir, nord et sud
et la réserve en monde diminue
je n’ai pas écrit ce que je sais
ce que je ne savais pas je l’ai écrit.
Praten tegen langzaam water
Praten zoals regenwater
praat tegen langzamer water,
transfiguratie van drift:
een minnende mond, een beminde,
samenzijn, namen verbinden
met namen, in spiegelschrift
weten hoe anderen heten,
gaan tot de wieg van het licht.
Parler à l’eau lente
Parler comme l’eau de pluie
parle à l’eau plus lente
transfiguration de l’instinct :
une bouche aimante, une bien-aimée,
être ensemble, unir des nommés
entre eux, savoir en écriture
spéculaire le nom des autres,
gagner le berceau de la lumière.
(trad. D. Cunin)
Entretien (en néerlandais) avec Guillaume van der Graft